STAR WARS – LE REVEIL DE LA FORCE ou la fin de l'enfance…
Alors oui, ce titre en étonnera plus d'un et je vous comprend parce qu'à première vue, tous les éléments pour nous ramener à l'âge innocent où la plupart d'entre nous on découvert cette saga sont réunis dans ce film…
Du texte défilant à la focale qui se referme sur le générique de fin, pas de doute : nous sommes dans Star Wars !
Ces créatures étranges à foison, parlant des langues étranges ; ces droïdes à la conception parfois farfelue ; ces vaisseaux si peu rutilants, suintant d'huile de moteur ; le thème du jeune héros rêvant de lendemains meilleurs, le regard perdu vers l'horizon d'une planète aride et hostile ; cette ambiance magique qui plane dès qu'on évoque la Force… Bref, tout est fait pour nous renvoyer à l'émerveillement de l'enfance, jusque dans les détails laissés ça et là par Abrams, telles des miettes de madeleine proustienne : le jeu d'holoéchec du Faucon - rigoureusement identique -, le vieux casque de la rébellion, la sphère d'entrainement de Luke, le jovial Nien Nunb…
Et puis… on finit par comprendre que ce n'est pas l'enjeux du film, qu'il n'est pas réductible à cette nostalgie, pourtant si présente juste dans le grain de l'image. Vient le moment où l'on constate avec la gorge serrée que malgré les apparences, et malgré ce qui aurait pu être la facilité du fan-service, cette histoire n'est pas une redite de celle d'avant…
Non, ce film n'est pas un remake ou un retour en arrière…
C'est bel et bien la suite de l'histoire.
La roue du temps tourne, même dans cette Galaxie si lointaine, et y fait son œuvre comme partout ailleurs : implacablement et parfois cruellement.
Et c'est ainsi que, passé le plaisir régressif de dénombrer à l'écran le nombres de références qui viennent nous ramener en enfance… On finit par constater que cette enfance est finie, et que le film ne nous y ramènera pas.
Des détails s'accumulent, comme de multiples piqures : le sang visible sur le casque immaculé du Stormtrooper, le massacre gratuit des villageois (bizarrement, dans mon souvenir, et malgré le fait qu'ils étaient très méchants, les impériaux ne me semblaient pas si abjects…), les rides sur le visage de Han, les non-dits dans la disparition de Luke, la blessure de Chewbacca… Peu à peu, s'amoncellent des éléments qui viennent nous mettre face à la réalité :
Nous avons grandi, vieilli, changé… Et cet univers aussi.
La machine s'emballe : Luke est devenu un mythe, les Jedi aussi, Han et Leia se sont séparés, leur fils a basculé du Côté Obscur… En réalité, plus rien n'est nostalgique, plus rien n'est merveilleux.
Le temps fait son œuvre et les héros des contes qu'on nous a raconté étant enfants ne sont pas épargnés… Même R2D2, ce pauvre R2, s'est volontairement mis hors-service, fou de chagrin après le départ de Luke.
La perte de repères est brutale, l'émotion puissante… Jusqu'à l'apogée.
Le fils tue le père.
Kylo Ren, Ben Solo (là encore, un clin d'oeil à la légende…), mis au supplice par son héritage, sa balance perpétuelle entre la Force et le Côté Obscur, assassine Han. Alors que le cri déchirant de Chewbacca retentit et que les larmes coulent sur nos joues, nous comprenons enfin...
Nous sommes face à la plus immense déclaration d'amour jamais faite à Star Wars, le plus brûlant, le plus déchirant des hommages.
En nous bousculant, en refusant de nous montrer ce que nous aurions aimé voir, en laissant la roue du temps tourner et frapper ainsi les mythes de notre enfance, J.J. Abrams sanctuarise les premiers films de la saga, ils les confortent à leur place en nous disant :
« Plus jamais vous ne verrez cela. Plus jamais vous ne verrez Han, Leia, Luke, Chewbacca, C3PO et R2D2 vagabonder ensemble contre l'Empire Galactique. Cette histoire était magnifique et nous as fait rêver...
… Mais elle est finie. »
Il refuse le fan-service, il refuse de nous donner les images d'un trio légendaire rassemblé dans l'adversité, parce que c'était l'histoire des épisode IV, V et VI et que personne ne pourra faire mieux.
Et ainsi prend fin l'enfance…
Les amours et les amitiés distendues par le temps, la légendaire famille Skywalker que le sacrifice de son patriarche n'aura pas réussi à ressouder.
Et puis notre regard se porte enfin vers ce qui est le vrai objet de ce film, vers Rey, vers Finn, Poe Dameron et BB8, vers Kylo Ren.
L'avenir est là, la nouvelle histoire en train de s'écrire est là et l'on comprend pourquoi ce film a été appelé ainsi.
L'heure est venue pour la Force de se réveiller et de nous faire rêver à nouveau. Pas avec les histoires qui nous ont émerveillé quand nous étions enfants - celle-ci sont à tout jamais gravées dans la légende et y resteront - mais avec de nouveaux héros, de nouvelles aventures.
Aujourd'hui, je suis retourné dans une Galaxie lointaine, très lointaine, mais je ne suis pas – selon la formule consacrée – retombé en enfance...
J'y suis retourné en tant qu'adulte…
Et je trépigne d'impatience d'y retourner encore !
Alors merci JJ, merci d'avoir compris cela… Merci pour ce réveil de la Force.