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L’Éclosion du Mal
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Chapitre 6
 
« En vérité, les hommes sont las de la liberté. »

B.Mussolini



D'un geste qui tenait plus de l'habitude qu'autre chose, je resserrai ma cravate autour de mon cou, lissant au passage le col de la chemise pour que tout soit parfait. Je n'aimais pas vraiment porter des habits neufs. Je me sentais toujours un peu à l'étroit avant que mon corps s'habitue aux nouveaux vêtements.
Généralement, une fois un nouveau costume acquis, je passais quelques heures à l'écart, le temps de bien m'y faire.
Mais ce soir, je n'aurais pas ce luxe.
La couleur aussi me troublait. L'ocre ainsi toujours été la teinte de mes costumes, le noir, celui de mon uniforme militaire. Et voilà que désormais, je portais un peu les deux en même temps : un costume deux-pièces en soie de Dantooine, d'un noir profond, aux reflets bleutés comme l'aile d'un corbeau. Ma chemise était d'un noir absolu, sans aucun reflet, avec cravate assortie.
En cette fin de soirée, j'étais comme habillé par les ténèbres elles-mêmes.
Écartant les rideaux de velours cramoisis, je jetai un oeil un peu anxieux à la salle où j'allais prononcer ce qui allait être le plus grand discours de ma vie. L'opéra de Coruscant, lieu de rassemblement des élites intellectuelles et culturelles, était loin d'être rempli à ras-bord ce soir. La fine fleur du Comité pour la Préservation de l'Ordre Nouveau se comptait sur les doigts de la main d'un arkanien. Certes, ce n'était que le rassemblement officiel : si on y ajoutait les militants, les SA et les petits cadres qui s'étaient groupés sur le parvis de l'opéra et dans les rues environnantes, les yeux rivés sur leurs moniteurs Holonet, qui retransmettraient le meeting en direct, on arrivait à un nombre un tant soit peu conséquent.
Mais ce n'était rien comparé aux grands meetings de jadis.
En temps normal, un congrès du COMPORN durait des jours entiers et les intervenants se succédaient à la pelle. Mais ce soir, ma bouche serait la seule que le public écouterait. La situation était assez exceptionnelle en soi pour que nos habitudes changent de façon drastique.
De même, avant que je prenne habituellement la parole, la foule scandait mon nom, chantait, était déchaînée rien que de savoir que dans quelques minutes, j'apparaitrais. Mais cette nuit, un silence de mort planait sur l'opéra de Coruscant.
Pas même une quinte de toux ou quelques chuchotements. Un silence plus profond que celui de l'espace lui-même.
En fait, j'étais presque surpris qu'il reste autant de monde. Avec la mort de Palpatine, huit mois auparavant, l'Empire avait sombré dans le chaos. Techniquement, c'était à Sate Pestage, le Grand Vizir, que devait revenir l'intérim, le temps que le Sénat Impérial élise un nouveau souverain. Hélas, personne n'avait jugé bon de refaire les textes après la dissolution de l'Assemblée et le régime se retrouvait plongé dans un vide juridique.
La curée pouvait alors commencer : des quatre coins de la galaxie, gouverneurs, moffs ou simples impériaux avec un peu de pouvoir s'étaient déclarés régents voire empereurs légitimes, soutenus par leurs troupes. Il fallait ajouter à cela les officiers de l'armée régulière qui étaient devenus des seigneurs de guerre, monnayant leurs services auprès de leurs anciens frères d'armes.
Le cas du COMPORN était plus complexe, mais tout aussi confus : la Commission Sélective avait été divisée sur la marche à suivre, sur quelle faction soutenir, sans compter que pendant ce temps-là, la guerre civile se poursuivait et que l'Alliance Rebelle volait de victoire en victoire. La majeure partie des cadres s'était ralliée au camp de Pestage, pas parce qu'il était légitime, mais parce que son alliance avec Ysanne Isard faisait de lui le chef de clan impérial disposant du plus de puissance militaire et politique. Le fait que la chef des Renseignements Impériaux contrôle pratiquement cette alliance n'avait visiblement pas contrarié les cadres, trop habitués à se placer sous l'aile des puissants, quelle que soit leur nature. Mal leur en prit puisque Isard avait fini par prendre le contrôle total de la coalition, chassant Pestage et faisant assassiner les membres du Conseil Impérial. Les membres haut placés du COMPORN qui s'étaient ralliés à elle furent du nombre.
Le Bureau de Sécurité Impérial de son côté, avait clairement pris parti contre leur rivale de toujours, frayant avec les autres chefs impériaux, voire certains rebelles, leur volonté de voir le camp de Isard défait primant sur la logique la plus élémentaire. Pendant ces huit mois, j'avais peiné à garder les hommes loyaux, à les convaincre que le Comité repartirait de l'avant, car sans Empereur à révérer, la structure s'effondrait. De nombreux militants n'avaient tout simplement pas pu supporter l'annonce de la mort de l'Empereur et s'étaient donnés la mort, peut-être dans l'espoir de le rejoindre dans l'au-delà. Ishin Il-Raz faisait partie de ceux-là. Il avait jeté son destroyer stellaire dans un soleil, refusant de connaître un monde sans Palpatine.
Et mine de rien, le suicide de Il-Raz fut tout ce qui me manquait pour tenter de sauver les meubles.
Malgré ma position occulte, je n'étais jamais que le numéro deux du COMPORN. Je manquais encore de légitimité pour diriger l'ensemble de l'organisation, du moins, aux yeux de nombreuses personnes.
C'était pour ça que j'avais fait organiser ce meeting nocturne. Et c'était pour ça que je portais un tout nouveau costume.
À nouvelle charge, nouvel uniforme.
Je devais prouver jusque dans ma tenue que je saurais assumer la charge de leader politique et militaire du Comité. Nous étions peut-être bien moins puissants que huit mois auparavant, mais le Comité était un véritable vaapad : tant qu'il nous resterait un seul membre fidèle, comme à l'animal, un ultime tentacule, le COMPORN était un redoutable prédateur. Et des fidèles, il en restait encore un beau petit paquet malgré tout.
Je surgis sur l'estrade, gagnant l'amplificateur de voix à grandes enjambées. La scène était nue : pas de portrait de l'Empereur ou d’Il-Raz, tout juste quelques oriflammes impériales. Nous changions d'ère, et tout le monde devait le comprendre.
- Messieurs, déclarai-je de but en blanc, sachez qu'avant tout, je tenais à vous remercier de la foi que vous avez placé en la Haute Culture Humaine. Vous n'êtes pas ces ploutocrates de gouverneurs, plus intéressés par combien de creds l'écroulement de l'Empire peut leur apporter ou ces bellicistes de militaires, qui n'attendaient qu'un instant de faiblesse du régime comme celui-ci pour montrer leur face hideuse et leurs immondes projets guerriers. Vous pouvez être fiers de votre race.
C'était incroyablement facile de faire un discours spéciste. Il suffisait d'un auditoire partial, d'un travail de sape des esprits en amont et de quelques formules chocs répétées à l'envie. Et tout roulait aussi bien qu'un armanid.
- Nos ennemis pensent que nous ne sommes plus que l'ombre de nous-mêmes... ils se trompent lourdement. Les évènements que nous traversons sont au contraire la preuve de la toute-puissance du Comité. L'Empire vacille, mais il n'est pas mort. Et c'est au Comité de faire ce pour quoi il a toujours existé : le défendre jusqu'à son dernier souffle !
Bien sûr, le fait que nous nous étions servis de notre position pour piller la galaxie à l'envie était la même chose que les milliards de morts dont nous étions directement responsables : un détail de notre histoire, inutile de l'expliciter.
- La disparition du Directeur Il-Raz peut vous sembler catastrophique, mais il n'en est rien. C'est un mal pour un bien car soyons francs, nous savions tous qu’Il-Raz n'aurait pas eu le cran de faire face à cette situation hors du commun. Le pouvoir nous revient à présent et nous allons enfin pouvoir sauver la galaxie des hordes aliens qui la menacent !
Je vis quelques têtes confirmer mes propos. Je souris intérieurement. Décidément, le spécisme était un ciment culturel bien utile.
- Pendant que nous nous entredéchirons dans des luttes intestines, la vermine rebelle en profite pour gangréner la galaxie ! Elle a attendu un moment de faiblesse des gardiens de la galaxie pour fondre sur celle-ci, trainant dans son sillage des désirs de pillage, de viol et de destruction ! Nous devons stopper cette maladie avant qu'elle ne contamine l'univers tout entier ! L'extermination de la peste alien est une nécessité hygiénique tout aussi bien que morale !
Je marquai une pause, cherchant au plus profond de moi la conviction pour croire moi-même à mes mensonges. Il n'y avait pas d'autre moyen de tenir les restes du Comité unis.
- Pendant presque un quart de siècle, nous avons pensé qu'il suffirait de mettre les non-humains à l'écart et de les laisser en paix. Nous nous trompions ! Il nous faut accepter la vérité, une vérité que l'Empereur Palpatine a payée de sa vie pour nous l'apporter ! La race humaine, si elle veut avoir un avenir, criai-je d'une voix forte, doit s'engager dans une guerre totale contre la peste alien et leurs alliés rebelles, sous peine d'être elle-même détruite ! Nous sommes devant deux routes hyperspatiales : l'une nous conduira à la destruction et au triomphe des masses non-humaines. Ce serait livrer la galaxie au chaos. Car ne vous y trompez pas, les aliens n'attendent qu'une chose, c'est de brûler l'univers des confins des colonies jusqu'à Coruscant, car ils jalousent notre mode de vie ! Le barbare détruit ce qu'il ne peut comprendre !
Quelques applaudissements se firent entendre. Lentement, la haine des extraterrestres scellait l'allégeance des hommes et des femmes de cette salle aux lambeaux du COMPORN.
- Ou bien nous pouvons prendre la seconde route hyperspatiale et regarder la bête les yeux dans les yeux, dégainer notre blaster et brandir notre vibrolame pour la plonger dans son ventre répugnant et grouillant de vermine, prêts à faire le sacrifice de notre vie pour la paix et la sécurité des générations à venir !
Les applaudissements se firent plus hardis :
- Nous n'avons jamais voulu la guerre ! poursuivis-je. Ce sont les rebelles et les aliens qui ont pris les armes contre nous ! Nous n'avons jamais fait que nous défendre ! Et maintenant qu'ils sont sur le point de gagner – car ils ont divisé notre camp par le mensonge et l'argent – nous devons nous défendre une dernière fois. C'est la dernière guerre ! Je ne parle pas d'un peuple contre un peuple, d'une planète contre une planète ou d'un système contre un autre ! Nous sommes engagés dans une croisade raciale purificatrice ! Nous combattons le mal à l'état pur !
Plongeant la main dans la poche intérieure de ma veste, j'exhibais une fleur décharnée, aux pétales fatigués, d'un rose presque blanc.
- Il y a plus de vingt ans, repris-je, levant la fleur au-dessus de ma tête, l'Empereur a planté la graine de l'Ordre Nouveau dans les cendres de l'Ancienne République. Aujourd'hui, la fleur est affaiblie, malade, fatiguée. Si on ne fait rien, elle va se faner et mourra pour de bon.
Je serrais alors violement la main autour de la tige, grimaçant quand les épines me percèrent la paume. La rose se redressa alors, comme tirée par le fil d'un marionnettiste.
- Regardez, dis-je à l'assemblée alors que la fleur buvait mon sang, se redressant et reprenant des couleurs. Voilà ce que nous devons faire : nous devons être prêts à souffrir et à verser le sang de notre race pour que la fleur de l'Ordre Nouveau éclose enfin.
La plante se modifiait à vue d'oeil : sa teinte avait viré au rouge cardinal et ses pétales s'étaient reconstitués. Elle s'ouvrit lentement, pour laisser place à un coeur de graines blanches et noires.
Éclose, la rose représentait l'étoile impériale. Le département Science savait encore faire des miracles. Ça valait bien quelques expérimentations sur des prisonniers de guerre.
- Ce n'est pas avec des mots, mais avec nos actes que nous allons permettre la renaissance de l'Ordre Nouveau, sifflai-je alors que le sang gouttait lentement le long de mon bras. Je jure que nous ne laisserons rien à nos ennemis, ni sang, ni sueur, ni larmes. Nous leur apporterons la mort, pleine et entière. Marchez avec moi dans cette ultime bataille et vous ne serez ni trahis, ni vendus, ni abandonnés. Car nous sommes un seul peuple formant un unique Empire.
Je lâchai la fleur à terre et lançai mon bras blessé pour exécuter le salut impérial :
- Vive le Comité !
À ma grande surprise, le public, s'il exécuta également le salut du Comité, modifia de lui-même un détail important :
- Vive Nexhrn !
Avais-je bien entendu ? Est-ce que l'assemblée avait bien crié mon nom en saluant ? Je tendis l'oreille pour m'en assurer :
- Vive Nexhrn ! hurlait la foule. Vive le Commandeur Nexhrn !
Commandeur, hein ? J'aimais bien mon nouveau titre. À la fois politique et militaire, comme mes nouvelles fonctions.
- Mes amis ! criai-je après avoir en vain, attendu un moment de calme. Je veux que chacun, quand il rentrera chez lui, explique à sa famille que l'humanité toute entière doit faire bloc contre la peste alien ! Je veux que chacun en âge de porter une arme, des enfants jusqu'aux vieillards se rassemblent sur nos spatioports. Des transports vous conduiront jusqu'à notre base de Vax III. Une fois derrière ses murs, aucune vermine non humaine ne pourra nous atteindre !
Déchaînés par mon discours, les hauts cadres applaudirent à tout rompre, sans se rendre compte qu'ils venaient de faire de leurs femmes, de leurs enfants et de leurs parents, les ultimes miliciens du COMPORN. La puissance de mes mots m'effrayait et me séduisait tout à la fois.
- Ces unités porteront le nom de Tempête du Peuple. Elles lutteront au coude à coude aux côtés de la CompForce et des SA à qui j'autorise l'accès aux armes létales.
Ce n'était pas comme si les Subs-Adultes ne savaient pas briser des crânes, mais je doutais qu'une matraque électrique leur soit d'une quelconque utilité sur le champ de bataille.
- C'est l'ultime sursaut, clamai-je alors que les cadres commençaient déjà à quitter l'opéra pour entrainer les leurs dans la défense du crépuscule du COMPORN. La Haute Culture Humaine est le dernier rempart de la civilisation contre la lie alien et la fange rebelle. La victoire est un devoir racial ! Le sang doit être versé !
L'auditoire était tellement conquis que j'aurais pu me mettre à réciter le bulletin météo du lendemain, il aurait approuvé sans même réfléchir. Jugeant inutile de continuer plus longtemps mon discours, je crachai encore quelques mots sur les aliens et les rebelles avant de quitter la scène. Une fois de retour en coulisses, j'eus un vertige et je crus défaillir. Je m'étais visiblement donné un peu trop à fond ce soir.
Dans les couloirs des loges, mes plus proches collaborateurs m'attendaient. Tous paraissaient conquis par ma harangue, excepté Kraik qui faisait grise mine.
- Alsh, me dit-il après un temps d'hésitation, me parlant un peu à l'écart du reste du groupe, est-ce qu'on va vraiment tous se retrancher sur Vax III ?
- Vous voyez une autre solution ? demandai-je en haussant les épaules d'un air agacé.
- Alsh, la base ne peut pas être défendue par des femmes et des enfants, voyons... Ils vont se faire massacrer à la première attaque. Et on n’a même pas de quoi leur donner un équipement correct.
- Tout ce qui peut tenir une arme devra se battre, répliquai-je d'un ton sans appel. Et, oui, il y aura des morts, c'est la guerre. Au pire, la Tempête du Peuple servira de bouclier humain à vos hommes pendant qu'ils aligneront les rebelles dans leur ligne de mire.
- Je proteste énergiquement, monsieur le Délégué...
- Commandeur, le corrigeai-je d'un ton sec. Mais rassurez-vous, je ne suis pas le seul à monter en grade. Félicitations pour votre promotion, général, lui dis-je avec un sourire qu'on aurait pu prendre pour réel.
- Général ? répéta-t-il étonné.
- Je vous bombarde à la tête de la CompForce. Comme ça, au moins, je sais que les hommes suivront sans faire d'histoire.
- Je vous remercie de cette marque de confiance... Commandeur, hésita-t-il.
- Je vous en prie. Alors commencez dès maintenant à servir en tant que général, mon vieux, lui dis-je en m'engouffrant dans un couloir qui conduisait hors de l'opéra. Commencez à coordonner l'évacuation sur Vax III.
- Je continue de penser que c'est une mauvaise idée, conclut le militaire en restant planté sur place.
- Malheureusement pour vous, lui répondis-je en lui adressant un bref regard, c'est à mes ordres que vous devez vous plier. Exécution.
Tandis que Kraik faisait claquer ses talons et partait assurer la tâche que je lui avais confiée, je sortis de l'opéra par l'entrée des artistes, peu désireux de prendre un bain de foule à cette heure de la nuit.
Coruscant la nocturne me donna une impression étrange à ce moment précis. Je n'avais plus peur de l'obscurité.
Ou plutôt, ma vieille frayeur était remplacée par le sentiment que nous étions enfin à un moment charnière de la galaxie, qu'enfin, le COMPORN avait une vraie chance de marquer l'histoire, avec moi à sa tête, après des années de labeur. Il y avait eu du vrai malgré tout, dans ce que j'avais déclaré aux hommes. Le Comité était au bord de l'anéantissement. Vax III était notre dernière chance. Si nous parvenions à tenir là-bas ne serait-ce que quelques mois, le temps que l'Alliance Rebelle et les restes brisés de l'Empire ne s'entretuent, nous avions encore une chance de gagner la guerre.
Tout simplement parce que les Rebelles seraient à bout de souffle et que le COMPORN aurait la force du fanatisme pour lui.
D'un pas tranquille, je me dirigeai vers mon speeder qui me conduirait à mon astroport personnel. Là-bas, une navette me conduirait moi, ma fille, nos animaux respectifs et quelques pièces de collection dont il était hors de question que je me sépare, jusqu'à notre retraite de Vax III.
Je savais très bien que les derniers membres du COMPORN qui frayaient avec Isard ou le BSI ne me considéreraient pas comme chef légitime de l'organisation. Il fallait s'attendre à des arrestations dans la nuit et au petit matin. Peut-être même à une bataille rangée pendant l'évacuation.
Après tout, pendant ces huit derniers mois, nous avions été tout juste tolérés par le camp d'Isard, les véritables maîtres de Coruscant. Sans doute savaient-ils que jeter leurs forces contre les nôtres était inutile puisque nous étions littéralement cloués sur Triple Zéro, pratiquement pris en otages.
La menace était implicite, mais claire : si nous tentions de quitter la cité-monde, les stormtroopers de la chef des Renseignements Impériaux se feraient un plaisir d'ouvrir le feu. En nous gardant à portée de main, Isard espérait sans doute nous neutraliser ou nous donner aux rebelles si les choses se gâtaient.
J'avais accepté cet état de fait parce que je n'avais pas encore de possibilité de changer réellement les choses. Ce n'était pas en me cachant seul derrière les tranchées de Vax que j'assurerais l'avenir du Comité. Mais maintenant qu’Il-Raz était mort et que j'étais enfin le chef incontesté de l'organisation, tout allait changer. Et vite.
Par sécurité, je décrochai mon comlink personnel de ma ceinture et ordonnas à la Phalange, restée loyale car grassement payée, de couvrir la fuite des cadres et de leurs familles aux spatioports. À huit heures, heure locale, alors que ma navette serait plongée dans le tourbillon multicolore de l'hyperespace, on m'informa que le lieutenant Snaaned avait été tué avec ses hommes en tentant de défendre un aéronef rempli à ras-bord de cadres de la section Art ainsi que de leurs familles. Le vaisseau ne décolla pas et ses occupants furent passés par les armes par les stormtroopers d'Isard, laissant le temps à tous les autres navires de s'échapper et de passer en vitesse-lumière.
Comme quoi, la section Art avait bien servi à quelque chose, en fin de compte.

Les pieds solidement plantés dans le revêtement en permabéton gris et sans âme, je fumais une cigarette en regardant le ciel de Vax III. C'était une journée magnifique : un beau soleil rayonnait au loin, dardant la terre de la lune de ses rayons tandis que Vax elle-même, la géante gazeuse, semblait porter sur sa troisième lune un regard bienveillant. En fait, si ce n'était la bataille acharnée qui se jouait devant moi, cela aurait pu être une journée ordinaire.
Moins de vingt-quatre heures après notre fuite de Coruscant, l'ennemi s'était mis en route pour nous déloger de Vax III.
Pas grand-chose, de prime abord : quelques chasseurs qui effectuaient un vol de reconnaissance, sans doute pour vérifier si les informations de leurs espions bothans signalant notre repli sur la Bordure Intérieure étaient bonnes. Le massacre desdits chasseurs par mes unités DCA avait, en soi, confirmé ces renseignements. Alors avait commencé une opération de plus grande envergure. Je m'en étais rendu compte un mois auparavant, quelques jours après la destruction des X-Wing de reconnaissance.
Je m'étais levé vers six heures, comme à l'accoutumée, pour découvrir un ciel strié de chasseurs et vaisseaux de l'Alliance Rebelle. Un nombre impressionnant. Je distinguais pêle-mêle des frégates, des antiblocus et même quelques navires mon calamari.
Ils se lancèrent dans une tentative de débarquement classique : pilonnage d'artillerie aérienne suivi de l'envoi des navires de transport. Mais Vax III n'était pas un champ de bataille ordinaire. J'avais conçu cette base pour résister et c'était exactement ce qu'elle faisait. Pas un transport de troupes rebelle n'avait ne serait-ce que frôlé le sol avant d'être réduit en poussière par la DCA. Nous avions absorbé la vague d'attaque comme l'eau était bue par le sable d'une plage brûlante. L'Alliance avait alors pansé ses plaies, et quelques jours plus tard, un second débarquement, plus massif, avait été tenté. Ce n'avait jamais été que des morts en plus pour eux.
Après un troisième échec tout aussi coûteux en hommes et largement aussi infructueux, j'avais fait appel aux forces navales de réserve, dissimulées dans la face caché de la lune. La flotte rebelle avait été réduite en cendres et leur pitoyable assaut de la dernière chance n'avait fait que précipiter leur perte.
La première bataille de Vax III fut une grande victoire. Les soldats se congratulèrent et les sceptiques, qui ne croyaient pas que nous pourrions tenir face à l'ennemi, revirent leur position. Ce triomphe m'assura définitivement la loyauté de celles et ceux qui défendaient la base.
La seconde bataille nous opposa non pas aux rebelles, mais aux forces d'un seigneur de guerre impérial, pensant sans doute que l'élimination du Comité lui assurerait une certaine réputation au travers de toute la galaxie. Expédiant d'un seul coup l'ensemble de ses forces armées, quelques-unes échappèrent aux tirs de DCA et une petite centaine de stormtroopers réussirent à fouler le sol de Vax III. Mais pas pour très longtemps, puisque les tireurs positionnés dans les tranchées firent leur travail avec application. Le no man's land n'offrait aucun endroit où échapper à leurs tirs et les divisions du seigneur de guerre repartirent de la lune les pieds devant. Ce dernier, voyant ses troupes défaites, s'enfuit si vite que mes troupes navales purent à peine visualiser son navire amiral sur leurs radars qu'il était déjà parti se faire pendre ailleurs.
La seconde bataille de Vax III fut un triomphe. Le moral déjà haut, fut gonflé à bloc et pour récompenser mes hommes, j'offris personnellement du champagne aux unités des tranchées. Les choses s'étaient alors tassées, permettant aux familles des cadres, la fameuse Tempête du Peuple, pour l'instant démobilisées, de reprendre un semblant de vie ordinaire.
Dans les grands immeubles de permabéton au sommet de la colline, on organisa une école pour les plus jeunes ainsi que des lieux de distraction pour les adultes. Bien sûr, Vax n'était pas un lieu de villégiature, mais les civils s'en accommodaient.
Ça lui plaisait, à cette aristocratie impériale qui, toute sa vie, avait connu les palaces de Coruscant, de vivre à la dure, auprès des soldats, à respirer l'odeur âcre du canon antiaérien qu'on rechargeait ou de voir leurs maris, leurs fils et leurs frères faire des manoeuvres et par deux fois, repousser une invasion ennemie.
Cette guerre était un peu un jeu grandeur nature.
Et puis vint la troisième bataille de Vax, un mois après notre repli sur la lune. Les rebelles, encore une fois. Mais avec une différence de taille par rapport à la première fois : ils avaient apporté des renforts avec eux. Et pas une dizaine d'hommes...
L'Alliance avait fait appel à des volontaires. Des quatre coins de la galaxie, tous les êtres sensibles qui avaient un désir de revanche contre nous s'étaient joints à l'armada rebelle, prêts à nous dépecer avec les ongles s'il n'y avait pas assez d'armes pour tous. Les premiers à faire les frais de ces renforts inattendus furent mon armée de réserve qui fut promptement encerclée et massacrée sans autre forme de procès par des rescapés de divers massacres et pogroms à travers la galaxie.
Ce furent les premiers morts du Comité sur Vax III, mais assurément pas les derniers. Privés de soutien naval, nous attendions depuis le débarquement ennemi. Et aujourd'hui, il semblait imminent.
- Mon Commandeur, s'il vous plaît, me supplia un officier à côté de moi. Il faut descendre de là, c'est trop dangereux.
Pour toute réponse, je jetai ma cigarette à demi-entamée dans le vide. Je savais bien que de grimper sur le toit de l'immeuble le plus haut de Vax III pour suivre la bataille n'était pas la chose la plus sûre à faire, mais je le faisais quand même.
Rien ne valait l'expérience du combat en direct, sans moniteur ou machine pour s'interposer entre vous et le spectacle.
Les navires ennemis tournaient, retournaient et tournoyaient au-dessus de nous depuis des semaines, mettant les nerfs des hommes à vif, presque une provocation avant l'attaque.
Et ce matin, enfin, l'attaque vint. Le débarquement rebelle durait depuis l'aube et il ne devait pas être loin de dix heures du matin, heure locale. Nos canons DCA fumaient à force de tirer et nos ingénieurs et nos mécaniciens étaient sans cesse en train de courir d'une position antiaérienne à l'autre pour les refroidir.
Le ciel de Vax était lourd de fumée et de particules enflammées. Les pertes rebelles étaient incalculables, mais les volontaires repartaient sans cesse à l'assaut, grisés par leur soif de revanche.
De temps en temps, une navette arrivait à naviguer entre les tirs, ou bien c'était un transport qui se crashait sans trop de dégâts sur la terre nue du no man's land. Dans un cas comme dans l'autre, les volontaires rebelles, le plus souvent des aliens se jetaient en hurlant contre nos tranchées, hurlant des injures tout en leur tirant dessus. Un feu d'enfer était la seule réponse que leur rendaient nos soldats politiques.
Même si nous dominions pour l'instant, les renforts de volontaires rebelles étaient permanents. On ne pouvait lever les yeux au ciel sans voir de nouvelles unités volantes surgir de l'hyperespace et se joindre au combat.
Pour l'instant, nous leur interdisions l'accès au sol. Mais si ne serait-ce que la moitié des forces ennemies prenaient position au sol, nous serions débordés. Bien sûr, après les tranchées, nous avions les blockhaus, la colline, la ville et bien sûr, le bunker, mais enfin, plus nous empêcherions les rebelles de poser un pied au sol, et mieux ça serait.
Un A-Wing en flammes décrocha de sa trajectoire pour s'écraser sur un immeuble voisin, laissant une trace noirâtre sur le permabéton.
- Monsieur le Commandeur, reprit l'officier. S'il vous plaît...
Avec une grimace, j'accédai à sa requête. Il était vrai que je risquais moins dans l'immeuble qu'au-dessus de celui-ci. Accompagné de mes hommes, je descendis l'escalier d'accès au toit tandis qu'un chasseur dont j'ignorais le type passait en rase-motte à côté du building avant de se crasher avec fracas dans la rue.
- Pour l'instant, ça se passe plutôt bien, fit remarquer un SA à l'air enthousiaste.
Je me gardai bien de lui rappeler que notre armée de réserve avait été détruite et que nous étions en nombre bien inférieur par rapport aux rebelles. Si je n'avais pas pensé Vax pour la défense, la lune aurait probablement déjà été envahie.
À un étage inférieur, je continuai mon examen de la bataille et mordis ma lèvre inférieure lorsque un chasseur de forme ovoïde s'écrasa sur une batterie DCA, la détruisant et tuant ses servants.
Voilà qui n'allait pas arranger les choses. Profitant déjà des tirs manquants de la batterie détruite, deux transports se posèrent au sol, couverts par leurs camardes en vol. L'infanterie rebelle fut massacrée à peine la rampe d'atterrissage déployée, mais le message était clair : la mesa ne tiendrait pas, elle serait envahie tôt ou tard. La seule question qui se poserait, quand l'ennemi lancerait son assaut sur nos positions terrestres serait : aurions-nous tué assez de rebelles, oui ou non ?
Comme pour confirmer ce que je savais déjà, un bombardier rebelle visa et anéantit deux nouveaux canons DCA. De tête, je donnais environ huit minutes à la mesa avant de tomber.
En réalité, la dernière batterie tint près d'un quart d'heure. Lorsque la structure de duracier fut vaporisée par le tir précis d'un groupe d’Y-Wing, les rebelles purent réellement débarquer des troupes.
Et c'est ainsi que la troisième bataille de Vax - et la dernière - débuta pour de bon.
Depuis ma position surélevée, je vis très bien les navires rebelles accoster et vomir leurs flots de troupes. Les soldats des tranchées tiraient à qui mieux mieux, mais c'était un coup d'épée dans Manaan. Pour chaque rebelle qui tombait, trois prenaient aussitôt sa place. Mais l'ennemi ne se lança pas tout de suite à l'assaut de nos positions. Les rebelles érigèrent une sorte de barricade, en rassemblant les débris des chasseurs tombés et des canons antiaériens détruits.
Ils la dressèrent sous notre feu, pour protéger leur débarquement des tirs des tranchées. La CompForce essaya désespérément d'empêcher l'édification de leurs défenses, mais les grenades restèrent sans effet, de même que les tirs d'armes lourdes.
Quelques soldats tentèrent le tout pour le tout et se ruèrent hors de nos lignes pour défaire la fortification de fortune ennemie. Un échec cuisant.
À contrecoeur, je vis les hommes des tranchées stopper leur tir pour l'instant, préférant recharger leurs armes et se tenir prêt pour l'assaut terrestre qui semblait imminent.
En fait, les rebelles prirent leur temps. Pendant près de deux heures, les transports de l'Alliance se posaient et larguaient leurs hommes avant de repartir. Nous vîmes la mesa se noircir sous l'effet du nombre adverse.
Et puis ce fut la charge. Des milliers et des milliers d'unités ennemies franchirent leur barricade et se ruèrent sur nos lignes, ignorant le feu d'apocalypse que leur opposaient nos E-Web et nos E-11. Les rebelles et les aliens tombaient par brassées, mais cela n'entravait pas leur course. C'était comme un marteau énergétique lancé à pleine puissance contre une paroi de glace. Et la première tranchée fut prise.
Les tireurs n'eurent même pas le temps de se replier dans la seconde tranchée qu'ils étaient débordés par l'ennemi et éliminés. Sous mes yeux et ceux de mon état-major, des centaines de soldats de la CompForce disparurent en un soupir, littéralement noyés dans la masse adverse. C'était tellement irréel comme vision que je crus me trouver devant un film de guerre d'holocinéma.
Les rebelles occupèrent la tranchée devenue vacante et se positionnèrent pour l'assaut de la seconde. Cette dernière résista un peu mieux que la première, et quand elle tomba, quelques soldats purent se replier au pied de la colline, prenant position dans les casemates, prêts à soutenir la suite de l'attaque ennemie.
Enhardis par leur progression rapide, l'infanterie rebelle se lança une fois de plus à l'assaut. Mais comme elle devait le découvrir à l'instant, Vax III était conçue pour que chaque ligne de défense soit plus dure à prendre que la précédente. Les blockhaus ouvrirent le feu avec une ardeur redoublée, désireux de venger la mort de leurs camarades dans les tranchées. Les tirs lourds hachèrent littéralement les troupes de l'Alliance et la petite dizaine d'hommes qui parvint au pied de la pente s'empêtra dans les barbelés et fut exécutée sans autre forme de procès. Leurs cadavres pendaient maintenant misérablement dans les entrelacs tranchants.
Les rebelles qui suivirent furent plus malins que les précédents. Prenant tranquillement position dans nos anciennes tranchées pour se protéger d'une éventuelle contre-attaque, ils attendirent simplement l'arrivée de leurs blindés. Et hélas pour nous, ils arrivèrent.
Surgissant de la mesa, nous vîmes arriver une demi-dizaine de chars lourds T3-B qui progressaient en pointe de flèche, avec à leur tête, un T4-B, le blindé le plus puissant dont disposait l'Alliance Rebelle. Je n'étais pas inquiet outre-mesure, cela dit. Les casemates pouvaient résister à des tirs de canons anti-véhicules V188 Penetrator. Ce n'étaient pas quelques lasers lourds et des missiles à concussion qui auraient raison de la ligne de fortification. Les rebelles tinrent quand même à essayer.
Une nuée de missiles et de lasers frappèrent avec vigueur les premiers blockhaus, assombrissant le champ de bataille d'une fumée noire et de terre calcinée. Une fois le nuage de cendres dissipé, les casemates se tenaient toujours là, le permabéton quelque peu noirci, mais intact.
Les chars rebelles le furent moins eux, une fois que les soldats des blockhaus visèrent le réservoir des véhicules avec leurs lance-missiles PTL. Les roquettes détruisirent trois T3-B sur cinq et une d'entre elles frappa le T4-B en plein dans les chenilles, condamnant l'imposant véhicule à rester sur place tandis que son équipage s'extirpait de ce qui était devenu un morceau de duracier inutile pour se replier en compagnie des blindés restant sous les quolibets et les tirs de nos blockhaus.
L'inexorable avancée adverse sur Vax III semblait enrayée. Du moins, pour l'instant.
- Je vais aux casemates, déclarai-je à mon État-Major en m'emparant de ma veste de cuir que me tendait mon ordonnance.
- Mon Commandeur, vous n'y pensez pas ! objecta l'officier qui quelques heures plus tôt, m'avais prié de descendre du toit. C'est précisément là que les rebelles vont porter leur assaut !
- Je n'ai pas dit "je veux" aller mais bien "je vais" aller, major. Libre à vous de rester ici. J'espère simplement pour vous que les bombardiers de l'Alliance vous épargneront quand ils auront l'idée de recouvrir la ville d'un tapis de bombes.
L'officier déglutit et bredouilla une vague excuse. Je haussai les épaules et descendis les escaliers pour rejoindre le plancher des banthas.
L'air puait le métal calciné, la peur et la détermination. Tout autour de moi, les civils équipés à la hâte d'armes rudimentaires et à peine équipés de protection, tout juste identifiés comme combattants par le brassard qu'ils portaient juste au-dessus du biceps, se massaient derrière les sacs de sable et les nids à mitrailleuse, conscients que si les casemates cédaient, ce serait à leur tour de connaître le baptême du feu.
Accompagné de mon état-major et de mes gardes du corps, je progressai sur la colline, descendant avec précaution la pente douce avant d'entrer dans le blockhaus de commandement. Les soldats y étaient nerveux. Placés devant les E-Web ou les canons de défense, d'autres encore pointaient leurs fusils blasters droit devant eux, prêts à ouvrir le feu si les chars ou l'infanterie rebelle réussissait à franchir les premières casemates ou les barbelés.
Le général Kraik mâchonnait un cigare à demi-éteint en fixant une holocarte mise à jour en temps réel de la lune.
- On ne tiendra pas infiniment, me déclara-t-il quand il me vit. On ne dispose plus que de quelques centaines d'hommes dans les blockhaus. En face, ils sont au moins cinquante mille. Et ça arrive encore, ajouta-t-il d'un air maussade en fixant le ciel par une ouverture dans le permabéton.
- Vous oubliez la Tempête du Peuple, objecta l'officier SA d'un air toujours aussi confiant.
Kraik étouffa un juron :
- Je parle d'unités combattantes, pas de femmes, d'enfants et de vieillards qui savent à peine presser une gâchette.
- La Tempête a pourtant subi un entraînement de maniement des armes et...
- Parce que vous croyez vraiment que ça va faire une différence face aux T3-B de ces salauds de rebelles ? Au cas où vous n’auriez pas vu ce qui s'est passé là-bas, rugit-il en pointant les tranchées du bras, y a un demi-millier de mes gars qui sont en train d'apprendre à respirer avec vingt kilos de terre argileuse sur le bide. Et c'était une unité d'élite, les meilleurs de la CompForce. Alors maintenant, dites-moi, monsieur l'expert, si les rebelles ont réussi à leur briser les reins aussi facilement, ce qui va arriver aux civils qui sauront à peine dans quelle direction pointer leur pistolet blaster ?
Kraik m'agaçait. Avant tout parce qu'il avait raison. Une fois les casemates franchies, la Tempête opposerait aux rebelles une résistance âpre, mais vaine. Tout simplement parce qu'elle n'avait aucun entraînement réel, ni équipement digne de ce nom. Mais chaque insurgé qui tomberait face à l'Alliance serait du temps gagné pour moi et mes derniers fidèles, retranchés dans le réseau de bunker.
- Général Kraik, intervins-je d'une voix forte. Je sais que la situation est difficile et peut vous sembler sans issue. Mais souvenez-vous que Vax a été conçue pour résister à tout assaut. Nous avons remporté deux batailles et nous remporterons celle-ci. L'ennemi a pour lui l'avantage du nombre, mais nous avons encore bien des munitions. Ce que je vous demande à tous, dis-je en haussant la voix pour que les soldats m'entendent, c'est de tenir bon. L'ennemi ne doit pas progresser plus en avant. Pensez à vos familles. Vous êtes le dernier rempart entre elles et la vermine rebelle.
À vrai dire, j'ignorais si mes mots toucheraient les hommes comme ils l'avaient fait un mois plus tôt, à l'Opéra de Coruscant. Mais je comptais plus sur leur âme de soldat, celle qui leur faisait s'en tenir aux ordres, quels qu'ils soient.
- Pas un pas en arrière. Chaque soldat des casemates qui tenterait de se replier dans la ville ou dans le bunker serait considéré comme déserteur et ordre sera donné de l'abattre sur le champ. Me suis-je bien fait comprendre ? - Oui, Commandeur ! rugirent les soldats en claquant des talons.
Seul Kraik avait l'air aussi dépité qu'à mon entrée dans son quartier-général.
- Je compte sur vous, général, lui dis-je les yeux dans les yeux. Ne me décevez pas.
J'effectuai le salut impérial, imité en retour par tout le blockhaus qui d'une seule voix, me prouva une nouvelle fois son allégeance par un "Vive Nexhrn". Même Kraik salua.
Satisfait, je quittai la casemate de commandement alors qu'à moins d'un parsec, les troupes rebelles se massaient autour de leurs blindés pour un nouvel assaut. J'avais rejoint la lisière de la ville quand ils s'élancèrent.
Je gagnai le poste d'observation mobile à grands pas, curieux de voir comment les rebelles tentaient de vaincre mes redoutables casemates.
J'eus une moue de mépris en voyant une nouvelle fournée de chars de l'Alliance se jeter à l'assaut des blockhaus, soutenus par leur infanterie. Que croyaient-ils ? Épauler un blindé était utile dans le cas où il fallait couvrir ses flancs ou ses arrières, mettre hors d'état de nuire l'équipement antichar que le véhicule ne pourrait atteindre, ce genre de choses. Mais là où même un T4-B avait lamentablement échoué, croyaient-ils vraiment qu'un petit fantassin pouvait faire la différence ?
Et à mon grand déplaisir, il la fit.
Dans les premières minutes du combat, tout se passa bien pour nous. Les tirs des blindés furent absorbés par nos blockhaus comme la vague s'écrasait sur les rochers d'une côte, quand ils ne ricochaient pas et n'étaient pas tout simplement renvoyés sur les troupes de l'Alliance. Hélas, les défenseurs des casemates commirent une erreur cruciale. Trop occupés à se défaire de ce qui leur semblait la menace la plus lourde, les blindés rebelles, ils ne virent pas le fantassin ennemi équipé d'un lance-flammes se frayer un chemin jusqu'à se coller contre une ouverture, y introduire le canon de son arme et déverser son napalm.
Dans un lieu aussi clos qu'un blockhaus, l'engin ne laissa aucune chance aux défenseurs. On entendit leurs hurlements d'horreur alors qu'ils brûlaient vifs jusqu'aux confins de la base impériale. Mon état-major me regarda d'un air quelque peu réprobateur, m'accusant implicitement d'avoir condamné les soldats de la CompForce à une mort horrible. Je ne répondis rien et commençai mon repli vers le bunker. Si la première casemate avait été vidée, les autres blockhaus suivraient sous peu. Et la ville n'était pas sûre.
J'étais en train de pénétrer dans mon bunker quand une formidable explosion se fit entendre non loin. On m'apprit que le génie rebelle avait réussi à faire sauter les casemates vides et que leurs troupes s'attaquaient à la seconde ligne de blockhaus. Je rappelai brièvement aux hommes en poste l'ordre de tirer à vue si les soldats de la CompForce tournaient les talons et laissai la lourde porte de duracier se refermer au-dessus de moi.
Je descendis lentement les escaliers en colimaçon, sans me presser. Vax n'était pas encore perdue. Les casemates résistaient encore. Puis, il y aurait la Tempête du Peuple, qui, quoiqu'en dise Kraik, ralentirait encore les assaillants.
Et puis il y avait mon bunker lui-même, et ses trois niveaux qui en un tournemain, pouvaient être cloisonnés et défendus séparément.
J'hésitai à me rendre dans la salle de commandement, suivre le reste de la bataille, mais à quoi bon voir sur un moniteur ce que j'avais compris depuis quelques minutes ? Les blockhaus ne tiendraient pas.
À la place, je choisis de me faire servir un bon repas. Il était près d'une heure de l'après-midi, et j'avais très faim.
Je m'installai tranquillement dans la salle à manger et dégustai un faux-filet à la sauce au poivre, arrosé de vin rouge du Noyau, tout en parcourant un vieux magazine de jizz. J'en étais au dessert quand un soldat fit irruption dans la pièce pour me prévenir que la deuxième ligne de casemates venait d'être détruite. Je fis passer l'information avec un peu plus de crème glacée.
Une fois mon déjeuner fini, je me sentis brusquement fatigué. J'avais besoin d'un peu de repos avant la suite des évènements. Je descendis au troisième niveau du bunker, mes quartiers personnels, m'enfermai dans ma chambre et m'allongeant sur le divan, tentai de faire la sieste.
Étrangement, pour la première fois depuis longtemps, je ne fis pas de cauchemars.
Mon ordonnance me réveilla vers seize heures en tapant à la porte, m'expliquant que la troisième et dernière ligne des casemates était tombée aux mains de l'ennemi et que le général Kraik avait réussi à rejoindre le bunker et sollicitait une entrevue. Je pestai en me frottant les yeux. Mes hommes n'avaient pas osé tirer sur Kraik, sûrement parce qu'il était haut gradé. La peste soit du respect militaire !
Je renfilai ma veste de costume et regrimpai aux étages supérieurs du bunker. Je retrouvai Kraik dans la salle de commandement, une plaie saignante au visage et l'uniforme en lambeaux.
- Je vous avais dit qu'on ne pourrait pas tenir toute la vie, me lâcha-t-il d'un air amer.
- Et moi, je vous avais dit de ne pas faire un pas en arrière, répondis-je sèchement. Je pensais que vous étiez du genre à obéir, général.
- Arrêtez vos conneries, Alsh.
- Même si vous vous corrigiez et m'appeliez par mon titre, ça reste outrage à officier supérieur.
- Officier sup... ? Bordel, écoutez Alsh, je vous ai connu quand vous étiez qu'un gamin qui sortait de l'école de droit, vous veniez de vous faire casser la tronche par une bande de rodiens et c'est moi que Dakcen est venu chercher pour vous sauver la mise. Alors jouez pas les cadors, mon vieux...
- Oui, c'est vrai, c'est à vous tout autant qu’à Dakcen que je dois mon entrée au COMPORN. Et c'est moi qui ai permis à votre carrière d'arriver là où elle est aujourd'hui. J'estime que c'est un bon renvoi de turboélévateur.
- Alsh, reprit-il après un moment de blanc, est-ce que vous vous rendez compte de la situation ? La CompForce est détruite. Tout ce qui reste entre le bunker et les rebelles, ce sont des civils qui n'ont ni arme, ni entraînement ! Ils vont se faire mettre littéralement en pièces !
- Ils l'auront bien cherché, dis-je en m'allumant une cigarette.
- Quoi ? demanda Kraik, interloqué.
- C'était le choix des familles des cadres et des soldats de se replier sur Vax III avec nous, je n'ai forcé personne. Et puis, après tout, le peuple est aussi coupable que vous et moi dans cette affaire.
- Qu'est-ce que vous voulez dire ?
- C'était le choix du peuple de s'en remettre à nous. De voter pour l'abolition de la République, de choisir un régime fort et efficace. Avons-nous pointé un fusil blaster sur la tempe de chaque sénateur lors du premier Jour de l'Empire ? Non. Avons-nous fait de même lors des lois relatives à la sécurité, à la liberté, au spécisme ? Toujours pas. Les gens auraient pu dire "non". Ils auraient pu s'opposer à nous, rejoindre en masse l'Alliance Rebelle. Ils ne l'ont pas fait. La situation actuelle, ils en sont pleinement responsables, et il est hors de question de les laisser se tirer sans rien payer de ce merdier alors que nous sommes sûrement dans les derniers jours de nos vies. Je tirai sur ma cigarette et expédiai un petit nuage de fumée au plafond :
- Le peuple a choisi son destin. Qu'il assume.
- Vous êtes complètement malade, lâcha Kraik d'un air dégoûté.
- Peut-être, dis-je en laissant tomber ma cigarette sur le sol nu et la broyant du pied. Mais vous êtes la dernière personne avec qui j'ai envie de parler de ça. Je vous donne cinq minutes pour quitter l'abri souterrain et chercher une mort digne à la surface. Essayez donc de prendre en charge la défense de la ville, tiens. On va voir combien de temps la Tempête pourra tenir...
- Vous mériteriez que je vous flingue moi-même...
- Mais vous n'en ferez rien, dis-je en chassant un grain de poussière de ma cravate. Parce que vous préférez passer les dernières heures qu'il vous reste à vivre à tirer sur des aliens plutôt que de finir collé au mur pour m'avoir assassiné.
Kraik blêmit de rage :
- Je vais remonter, déclara-t-il en décrochant bien chaque mot. Mais pas pour tuer les rebelles. Je vais essayer de sauver autant de monde que possible de notre côté.
- Du moment que vous vous en persuadez, c'est très bien, général. Rompez.
Kraik conclut notre entrevue par un impeccable salut impérial accompagné d'un tonitruant "Vive Palpatine". Puis, il tourna les talons et s'en alla.
Le militaire à peine parti, le bunker tout entier fut traversé par un bruit d'enfer, comme un coup de tonnerre. Les rebelles avaient commencé le pilonnage de la ville.
Tant mieux. Qu'ils réduisent la cité de permabéton en cendres. Les ruines seraient des caches parfaites pour les miliciens. Une guérilla urbaine ralentirait encore l'ennemi pendant de longues heures.
Je ressentis le besoin de me passer de l'eau sur le visage. Me rendant dans ma salle de bain personnelle, je fis couler de l'eau au lavabo et m'en aspergeai la figure. Et alors que je relevai la tête pour prendre une serviette, je me vis dans le miroir. Et le masque de quiétude que je revêtais depuis un mois tomba.
J'avais la peau grisâtre et tendue, les joues dévorées par une barbe de trois jours, l'émeraude de mes yeux encore plus terne que la fois où j'avais fini second de ma promotion à l'école de droit. Je levai ma main droite pour découvrir qu'elle était parcourue de minuscules tremblements et qu'elle me démangeait atrocement. Ma langue semblait s'être changée en plomb et j'avais la bouche horriblement pâteuse. Je passai une main dans mes cheveux pour tenter de mettre de l'ordre dans ces paquets collés entre eux par la sueur.
Mon corps était en ruines.
Je tentai de me rassurer, de me dire que c'était le stress qui changeait ma perception des choses. Oui, c'était sûrement ça. D'ailleurs, pourquoi s'inquiéter ? L'ennemi n'entrerait jamais dans le bunker.
Jamais. Il se fatiguerait dans les ruines, arriverait harassé aux portes de l'abri. Et là, mes renforts arriveraient dans son dos, le réduisant à néant !
Mes renforts, oui, oui, mes renforts. La flotte de réserve était détruite, mais je pouvais encore compter sur des alliés. Un allié en fait. Arkania. J'avais toute la flotte du monde scientifique à ma disposition.
Je courus aussitôt dans la salle de commandement, ordonnant aux techniciens d'ouvrir un canal au siège d'Adascorp. Par chance, les rebelles n'avaient pas encore coupé nos moyens de communication.
L'image bleutée de Celte Delmont se matérialisa devant moi. L'arkanien était tiré à quatre épingles, comme à son habitude.
- Monsieur le Commandeur du Comité pour la Préservation de l'Ordre Nouveau, me déclara-t-il en guise de bonjour. Toutes mes félicitations pour votre nouveau poste.
- Delmont, répliquai-je d'un ton bien plus prosaïque, j'ai besoin de vos hommes. Envoyez immédiatement vos forces sur Vax III et explosez ces salopards de rebelles !
Le scientifique se gratta l'arête du nez, visiblement gêné.
- C'est un peu délicat, hésita-t-il.
- Comment ça ? explosai-je. On a un accord ! Les forces militaires d'Adascorp et des autres mégacorporations d'Arkania sont à disposition du COMPORN !
- C'est à dire que l'accord stipule que nos forces de sécurité seront mises à la disposition du Directeur du Comité... Et il se trouve que Ishin Il-Raz était le dernier Directeur de votre organisa...
- Rien à foutre des textes, Celte ! hurlai-je. On s'est occupé de la question scion pour vous, alors vous allez vous ramener sur Vax et nous sauver la mise !
- Adascorp refuse tout droit d'ingérence. Il n'est pas dans les attributions de notre société d'intervenir dans ce différend qui vous oppose avec l'Alliance pour la Restauration de la République.
- Un "différend" ? Mais est-ce que vous avez la moindre idée de ce qui se passe ici, par les rides du cul de Palpatine ?
- Non. Et je ne veux pas le savoir. Désolé, Alsh. Et bonne chance.
Delmont coupa brutalement l'entretien holographique. Je hurlai aux techniciens de nous remettre en liaison, mais Adascorp refusa de prendre notre appel.
- TRAHI ! meuglai-je au milieu de l'assemblée de techniciens médusés, j'ai été trahi ! La CompForce m'a trahi ! Kraik m'a trahi ! L'armée m'a trahi ! Tous, absolument tout le monde m'a trahi !
Je pointai du doigt un jeune homme derrière une console.
- Même vous. Et vous ! éructai-je en désignant un autre membre de l'équipe technique. Je suis sûr que même la Tempête est en train de me trahir là-haut ! J'aurais dû faire comme Vador et tuer tous ceux qui ont fait des erreurs !
Je pris appui sur une table couverte de cartes d'état-major que j'envoyais valser à terre.
- Tous des incapables ! On ne serait jamais arrivé là si le Comité s'était serré les coudes... Nous aurions chassé Coeur de Glace de Coruscant, nous aurions maté les seigneurs de guerre et nous aurions écrasé la Rébellion !
Je serrais rageusement le poing :
- Nous serions à la tête de l'Empire aujourd'hui ! Nous aurions gagné la guerre et ramené la paix dans la galaxie ! Nous aurions été des héros !
Mon bras retomba le long du corps.
- Maintenant, tout ce qui nous reste, si les rebelles nous épargnent, ça sera un procès pour crimes contre les civilisations. On sera probablement exécuté en place publique, histoire que le peuple pense retrouver une part d'honneur et oublie qu'il est aussi coupable que nous.
Aussi vite qu'elle était apparue, la colère s'en alla.
- Mais ne croyez pas que je vais laisser Mon Mothma ou Bel Iblis mettre la main sur moi aussi facilement. Ils devront passer une montagne de cadavres pour m'atteindre. Mais ils ne me toucheront pas. Je préférerais encore me tirer une balle dans la bouche...
L'assemblée me fixait toujours avec ses grands yeux surpris.
- Retournez au travail, grimaçai-je. Et pensez à activer les défenses extérieures. À mon avis, les rebelles seront au-dessus de nous à la tombée de la nuit.
Cette fois-ci, ma prédiction s'avéra exacte. La progression ennemie dans la ville leur prit tout l'après-midi. La Tempête du Peuple résista hardiment, mais la lutte était trop inégale. Isolée en minuscules escadrons, elle se fit encercler et capturer petit à petit. Alors que le soleil laissait place à la nuit sur Vax III, les premiers fantassins rebelles atteignaient la porte extérieure du bunker, réglant le sort des TB-TT par quelques missiles bien placés. Au troisième niveau de l'abri, alors que le génie rebelle s'affairait plus haut, à faire sauter la porte du premier niveau, j'étais dans mon bureau, pratiquement plongé dans le noir, Boldni ronronnant tranquillement sur mes genoux. J'avais fait appeler les seuls occupants du bunker dont la survie m'importait : ma fille et mon neveu.
Eesla était nerveuse, tortillant sans cesse une mèche de cheveux autour de son index, son voorpak blotti dans l'ombre de son t-shirt aux larges manches. Pakn était vêtu d'un impeccable uniforme de la CompForce, les bras croisés derrière son dos, l'air sérieux.
- Je vais parler franchement, soufflai-je d'une petite voix.
Lorsque la rage m'avait quitté cet après-midi, j'avais eu l'impression qu'elle avait prise avec elle toute ma force vitale.
- Vax III est perdue.
- Ne dites pas ça, mon Commandeur ! s'exclama Pakn. Les défenses du bunker tiennent bon et les renforts sont en route !
- Je sais ce que j'ai déclaré tout à l'heure, dis-je d'un air sombre. J'ai menti. On appelle ça de la propagande.
Je marquai une pause pour gratter mon spukama sous le menton.
- Je donne environ cinq heures aux rebelles pour atteindre le troisième niveau. Moins peut-être. En d'autres termes, lorsque le soleil se lèvera, le Comité aura été détruit. Et moi avec.
- Ne dites pas ça ! répéta Pakn. La peste alien ne pourra jamais...
La tirade de mon neveu fut interrompue par la gifle violente que je venais de lui infliger. Boldni miaula de dépit en signalant qu'il n'avait que peu aimé que je quitte d'un coup le confortable fauteuil en cuir que j'occupais jusque-là.
- La ferme, dis-je d'une voix raffermie. Tu te tais et tu écoutes. Et si tu me donnes encore une fois du "mon Commandeur" ou que tu me vouvoies, je te laisse affronter toute l'armée rebelle tout nu avec un cure-dent. C'est clair ?
- Oui... mon oncle, hésita mon neveu. J'ai compris.
- Bien. Eesla, repris-je d'une voix plus douce, je refuse que tu meures ici. Peut-être que les rebelles ne te toucheront pas, mais je veux prendre aucun risque. Tu vas partir.
- Partir ? demanda ma fille. Mais où ? Les rebelles occupent toute la lune et ils sont devant le bunker !
- Vax III a encore un petit tour dans sa poche, déclarai-je en pressant un bouton sous le bois de mon bureau.
Aussitôt, un panneau coulissa, révélant un interminable couloir plongé dans l'obscurité.
- Il y a un petit astroport secret au bout du tunnel. Avec un petit chasseur furtif biplace. Je veux que vous vous enfuyiez de Vax III. Le vaisseau est petit et rapide. Même si on vous détecte, personne n'aura le temps de mettre la main sur vous que vous serez déjà à l'autre bout de la galaxie. Et puis, les rebelles auront d'autre spukamas à fouetter.
Boldni sembla me jeter un regard de reproche pour cette expression puis décida que le contenu de sa gamelle valait bien qu'il laisse passer ça.
- Alors pars avec moi ! déclara ma fille.
- Oui, je suis prêt à me sacrifier s'il le faut ! ajouta Pakn presque en écho.
- Je sais ce que je fais. Ees, à partir de maintenant, tu n'existes plus. Tu devras te teindre les cheveux, porter des lentilles de couleur, changer de nom, changer d'histoire. Parce que tu es ma fille, et que tu ne pourras pas grandir normalement si tu es toujours Eesla Nexhrn. En tout cas, encore moins si je vais en cavale avec toi.
Ma fille étouffa un sanglot. Je m'approchai d'elle et la serrai dans mes bras.
- Allons, du calme. Ça va aller. Tu t'en sortiras très bien, t'en fais pas. Pakn va veiller sur toi.
- Moi ? s'étonna son cousin.
- Oui, toi. Considère ça comme ton ultime mission. Y a une adresse préenregistrée sur l'ordinateur de bord du chasseur. Tu vas y conduire Eesla. Vous y trouverez de quoi disparaître pour de bon avec des faux papiers et un peu d'argent. Quand ma fille sera en sécurité, tu seras libre de faire ce que tu veux. Mais pas avant. Compris ?
- Oui, tonton. Je t'obéirai.
- Eesla, dis-je à ma fille en la regardant dans les yeux. Tu entendras des choses sur moi. Sur ce que j'ai fait. Sur ce que j'ai fait faire. Tu choisiras plus tard toi-même si j'étais quelqu'un de bien ou pas. Mais sache, quoiqu'on puisse dire sur moi, que je t’ai toujours aimée, OK ?
- OK, me répondit-elle en m'enlaçant plus fort.
- Allez, dis-je en lui déposant un baiser sur le front. Filez maintenant. Vous avez une bonne heure de marche avant d'atteindre le vaisseau. Et ne vous inquiétez pas, le tunnel est prévu pour s'effondrer sur lui-même quand vous aurez décollé. Personne ne pourra vous rattraper.
Eesla ne put retenir ses larmes plus longtemps et Pakn dut presque la trainer de force dans le tunnel.
Il me jeta un dernier regard puis disparut avec sa cousine dans l'obscurité. Je refermai la porte du tunnel puis fracassai le bouton caché, le rendant hors-service.
Je retournai ensuite à mon bureau, Boldni sur les talons et commençai à rédiger des notes et des mémos.


Voilà comment je vois les choses. L'ennemi entrera dans quelques heures dans mon bureau, sûrement dans le but de me capturer pour me juger.
Mais je ne laisserais pas les choses se dérouler ainsi. Quand j'aurais fini d'écrire, je sortirais mon blaster de son holster, je poserais le canon froid sous le menton et je tirerais. Le blaster n'aura servi qu'une fois avant cette nuit : quand j'avais castré le rodien de la bande de Dweik, des années plus tôt, sous les encouragements de Kraik.
Je n'ai jamais tué personne avec ce blaster. La seule personne qu'il tuera, ça sera moi.
Tous les morts dont je suis responsable, toutes les exécutions, les massacres, les tortures... je n'ai jamais eu à me servir de mon arme. Les mots l'ont remplacée.
Je n'ai jamais compté de combien de victimes j'avais causé la mort, directement ou indirectement.
Je n'ai pas agi par fanatisme, comme la plupart des membres du COMPORN.
Pas parce qu'il fallait obéir, comme la CompForce.
Pas par ambition personnelle, comme Palpatine.
En fait, je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. Mais je l'ai fait et je l'ai fait bien.
Dans les années à venir, on me traitera sans doute de monstre. Personne ne cherchera à aller plus loin. On pensera que j'étais fou, un malade, un psychopathe à la tête d'une bande de meurtriers. On trouvera des explications simplistes, on analysera mon enfance, on tentera de me disséquer pour trouver la cause du mal.
Ce sera plus simple pour tous.
Plus simple d'oublier que personne ne s'est opposé à nous. Plus simple de penser que les gens ont marché main dans la main avec nous. Plus simple de penser que par calcul ou par naïveté, la galaxie a laissé faire le pire génocide de son histoire.
Plus simple d'oublier que l'Alliance Rebelle ne vaut pas mieux. Plus simple d'oublier les civils et les innocents qui se trouvaient sur les deux Étoiles Noires.
Plus simple d'oublier qu'en définitive, si le peuple me jugera comme un monstre, c'est pour oublier que je suis aussi banal et ordinaire que lui. Que je lui ai montré qu'il n'y a pas plus commun que le mal.
Plus simple d'oublier qu'il est là, en chacun de nous et que demain, tout peut recommencer.
Plus simple d'oublier que moi, je ne suis pas différent de toi qui me lis.
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