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Lando avait cru que leur navette les amènerait au Palais impérial. En réalité, elle s’était dirigée vers une gigantesque tour non éloignée du Palais, une Tour en forme de pic et qui présentait la particularité d’être pourvue de mille couleurs, à la différence du noir ou du grisâtre des bâtiments officiels. Lorsqu’ils sortirent de la navette, confortablement posée dans l’un des dizaines de hangars creusées dans le volumineux immeuble, Lando apprit qu’il se trouvait au Département de la Propagande.

- On va devenir des vedettes ! se félicita Konga, ‘achement intuitif.

On les amena, à travers des dizaines de couloirs, devant une lourde porte d’entrée aussi imposante qu’un rancor. Revêtue de son traditionnel uniforme impérial, Nora les y attendait, en compagnie de deux Stormtroopers. Lando avait rêvé, désiré, cet instant. Il aurait voulu se jeter sur elle pour… mettons, l’étrangler… mais à présent, il ne ressentait qu’une profonde lassitude.

- Madame le Directeur va vous recevoir, dit-elle sans un regard, sans un sourire, sans une once de chaleur dans la voix.

C’est impossible… Nora… ne peut pas être ce robot… Les Soldats de Choc les poussèrent un peu, et ils reprirent leur marche, tandis que la porte s’ouvrait sans un bruit.

La salle où ils atterrirent était… magnifique – quoique dépourvue de fenêtre. Les murs étaient tapissés de dorures et de tableaux, holographiques ou non, représentant tous les styles artistiques, y compris et surtout les décadents, ceux considérés par les canons de l’Empire comme relevant de l’art dégénéré. Le plafond, en forme de coupole et orné de somptueux lambris, enrichi de stucs dorés, soutenu par des frontons finement ciselés, percé d’un immense lustre argenté en son centre, semblait lui-même directement importé d’un vieux château flamboyant de Naboo ou d’Alderaan. Y était peinte une de ces fameuses œuvres représentant un épisode de la mythologie Sith… Un guerrier tout de noir vêtu, le visage blanc au point d’en être verdâtre, armé d’un sabrolaser, terrassant des centaines de soldats armés à l’ancienne mode…

Le guerrier souriait.

- Le triomphe de Freddon Nadd ! proclama une voix devant eux.

Les yeux de Lando et de ses congénères s’abaissèrent jusqu’à cette femme qui venait de s’adresser à leur petit groupe. Reconnaissable entre mille, elle était.

- Ainsi se nomme la peinture que vous étiez en train de contempler, ajouta Isard. Elle représente Freddon Nadd, après la mort de son boss Naga Sadow, prenant le pouvoir sur le monde d’Onderon.
- Je suppose que l’on doit cette décoration au général Kutchann ? grogna Nesta.

Isard éclata de rire. Un rire d’Isard, c’était l’offensive de l’hiver en plein solstice d’été.

- On ne peut rien vous cacher. C’est ici que ce cher général a planifié… je voulais dire conseillé le vaste programme de propagande destiné à abattre l’Ordre Jedi, il y a plusieurs années.
- J’imagine que vous n’avez pas sélectionné cet endroit au hasard, opina Lando.

Nora avait rejoint Isard, main sur l’étui à blaster. Lando jeta quelques regards alentours, constata que les Stormtroopers étaient au moins une dizaine… Et la porte s’était refermée… On est mal… Saleté de menottes…

- J’ai ce sens de l’ironie historique, avoua Isard avec humour. Il me plaisait de vous amener dans cette pièce servant jadis de bureau à l’homme qui vous a plongés dans mon piège.
- Ne vous vantez pas trop ! pesta Wetzel, qui avait apparemment un peu récupéré.

Le regard d’Isard s’alanguit.

- Oh… Je vous ai choqué, colonel… Pardon de m’attaquer à votre si grand et si beau modèle…

Un geste de la main suffit. L’un des Soldats de Choc rappliqua, abattit sèchement la crosse de son fusil-blaster sur l’estomac de Wetzel… qui tomba à genoux… à bout de souffle… Trop faible pour résister, il était devenu.

- En vérité, reprit Isard, vous avez été amené au Département de la Propagande dans un but tout à fait précis.
- Et lequel ? murmura Konga, curieux.
- Comme vous le savez, répondit Cœur de Glace, le manque de place à l’intérieur du Palais impérial a… disons, poussé l’Empereur à déménager les locaux des Juridictions Suprêmes Galactiques. La Cour Magistrale, le Tribunal des Peuples, le Conseil militaire, la Cour de Discipline Budgétaro-Financière, et autres juridictions spéciales. Et l’immeuble sélectionné se trouve…
- … ici, acheva Nesta, qui connaissait déjà l’histoire.

Isard fit quelques pas devant eux, mains sur les hanches, air faussement réfléchi. Lando essayait de ne pas regarder Nora, Wetzel essayait de ne pas regarder Nora, le Hutt matait Isard, Nesta regardait dans le vide, Boba Fett se faisait chier.

- Je vous épargne les commentaires de l’Opposition, qui nous a accusés de faire de la Justice un simple bras armé de la Propagande.
- Les salauds ! ricana Konga.
- Peu importe, poursuivit Cœur de Glace. C’est ici que vous serez jugés, pour crimes contre la civilisation, haute trahison, sédition, mutinerie et tentative de déstabilisation de l’ordre public.
- Rien que ça ! siffla Lando.

Isard le foudroya du regard.

- Ne faites pas le malin, Calrissian. L’acte d’accusation est déjà prêt, le verdict sera rendu de manière équitable, mais vous pouvez vous assurer qu’il sera… sévère. Votre avocat plaidera pour que vous soyez fusillé et non lentement dissous dans de l’acide ainsi que va le requérir l’avocat général.

Gloups…

- Je m’en régale d’avance ! sourit Lando.
- Ne vous en faites pas, le corrigea Isard : moi aussi. Car ce procès sera filmé. Et l’Alliance sera humiliée. Le vainqueur d’Endor, réduit en pièces par un tribunal militaire, le spectacle attirera de l’audience, je vous le garantis. Qui plus est, il démontrera que la Justice impériale est impartiale, puisque seront jugés avec vous un Moff, un officier des Renseignements, un chasseur de primes et un Hutt. Pas de favoritisme !

Lando frissonna – c’était vrai, il ne ferait pas le fier dans de telles conditions. Il voyait déjà son portrait dans les pires holo-papelards de la galaxie, ou dans des rétrospectives télévisées sur les plus grands criminels de l’Histoire, genre Faites entrer l’holo-accusé… « Lando Calrissian a trahi. Comment cet homme d’affaires a-t-il pu sombrer dans un destin aussi funeste, c’est ce que nous essaierons de décrypter etc. ». Tonnerre, non, sa vie ne pouvait finir ainsi !

Tout cela ne pouvait finir ainsi !

- Il y a juste un petit problème, fit-il observer. Ce procès spectacle risque de tourner au grotesque, si jamais je me montre moins coopératif…

Nouveau rire d’Isard. L’hiver tua l’été.

- Ne soyez pas si naïf !

A ce moment, deux Impériaux en blouse blanche firent leur apparition, précédant… Oh non… Il ne connaissait que trop cette forme noire et sphérique armée d’un arsenal de seringues, électrodes, scalpels, plumes pour chatouilles…

… un droïd d’interrogatoire !

- D’une part, révéla Cœur de Glace, ce procès sera enregistré, et non diffusé en direct. D’autre part, je compte bien sur votre coopération. Votre pleine et entière coopération.

Lando, le visage blême, vit l’odieuse machine s’avancer jusqu’à lui, sous le regard inexpressif des Impériaux en blouse blanche… Il avait vu ce genre de saloperie à l’œuvre, et dans le cas contraire, aurait connu leur efficacité de réputation.

- Nous avons mis au point des sérums qui vous rendront doux comme un agneau, sourit Isard. Vous serez mûr pour les aveux que vous adresserez au Président du Tribunal. Je n’irai pas jusqu’à exiger de vous une supplique, mais vous serez on ne peut plus crédible.
- Et le libre arbitre, vous en faites quoi ? protesta Lando.
- Vous savez, de nos jours, de telles valeurs sont un peu dépassées, fit Cœur de Glace en haussant les épaules.

Le droïd d’interrogatoire se rapprochait tant et plus. Lando se dit que les tourments que lui avait infligés Tierce n’étaient rien en comparaison de ce que cette… chose… préparait.

- C’était pour ça que votre Garde Impérial ne devait pas me fracasser la face… découvrit Lando.
- Vous deviez être présentable, lui dit Isard. Et maintenant, laissez-vous faire. Cela vous fera un peu mal au début, mais vous êtes un grand garçon, n’est-ce pas ?

Le droïd était devant lui, émettant de petits signaux sonores qui ne devaient servir à rien d’autre qu’accroître la tension censée éreinter l’adversaire.

- Et maintenant, vous allez passer de la condition de prisonnier politique à celle de larve pénitentiaire, lui assura Isard avant d’éclater de rire.
- Je ne crois pas.

Cette stupéfiante remarque cloua sur place tous les individus présents dans la pièce. Le rire d’Isard s’étrangla dans sa gorge. Cette dernière se tourna vers la personne qui venait de prononcer ces paroles.

… non…

Isard refusa d’y croire.

… c’est aburde…

Nora Reeze.

Qui braquait son blaster sur Cœur de Glace.

- Major Reeze ? grommela Isard, à la fois surprise et pas rassurée. Qu’est-ce qui vous prend ? Ne voyez-vous pas que…
- … je braque sur vous un blaster dont un seul tir est en mesure de désintégrer votre face de pétasse, en effet.

Isard eut un mouvement de recul, les yeux exorbités. Ma face de…

- Vous allez à présent faire exactement ce que je dis, poursuivit Nora sur le même ton glacial. A moins que vous ne vouliez voir les restes de votre cerveau joncher le tapis ithorien de cette salle ?

Les yeux clair et sang de Cœur de Glace fixèrent intensément ceux de Nora, dans lesquels luisait une farouche détermination. Isard ne pouvait admettre cette vérité toute bête : Nora la ciblait avec son blaster.

- Voyons, Major Reeze, sourit Cœur de Glace avec gêne. Rengainez votre arme… Vous ne voyez pas que vous êtes surmenée… Vous avez brillamment accompli votre mission, après avoir maintes fois échappé à la mort, ne me dites pas que…

Le blaster de Nora dévia de quelques centimètres. Une terrible déflagration retentit alors que le laser rouge percutait le droïd d’interrogatoire, faisant chuter lamentablement ce dernier au sol en une violente pétarade. Le tir avait été précis, puisque ledit droïd rendit l’âme presque immédiatement, libérant au passage de la fumée s’échappant de ses circuits endommagés…

- Dites à vos Stormtroopers de lâcher leurs armes et de libérer les prisonniers, clama sèchement Nora.

Isard se tourna vers eux, le regard fou. Revint à Nora.

- Mais vous êtes complètement malade ! protesta-t-elle. Vous… voulez vous évader ? Vous ?

A ces mots, le Directeur de l’Ubiqtorate se mit à ricaner, puis à rire, franchement – un rire de démente.

- Vous n’avez pas la moindre chance ! se vanta-t-elle au bout de quelques secondes. Vous avez signé votre arrêt de mort !
- Possible, répondit Nora, sans varier le ton. En attendant, faites ce que je vous dis.

Isard, non sans une réticence savamment calculée, fit un geste de la main à destination des Soldats de Choc. Ces derniers défirent les menottes des accusés, avant de déposer leurs armes à terre…

- Qu’ils les posent le long du mur et aillent vous rejoindre, précisa Nora.

… puis s’exécutèrent et se dirigèrent à pas lents de l’autre côté de la pièce, en compagnie d’Isard et des deux gars en blouse blanche qui, du coup, n’en menaient pas large.

Konga, Boba Fett, Nesta et Wetzel coururent s’emparer des blasters laissés par leurs ex-geôliers. Lando voulut prendre Nora dans ses bras – tout simplement. Savourer cette liberté retrouvée. Savourer Nora, elle seule, à jamais…

… elle ne m’a pas trahi… elle n’a jamais trahi…

Mais le Major Reeze lui fit signe de ne pas bouger.

- On passera aux festivités plus tard, le doucha-t-elle. Il faut d’abord quitter cet endroit en vitesse.

Ricanement d’Isard.

- Et on peut savoir comment vous ferez ? J’ai des hommes partout, dans cet immeuble !
- Primo, ce n’est pas tout à fait vrai, rétorqua très courtoisement Nora. Secundo, vous nous servirez, comme votre prédécesseur il y a quelques années, de laissez-passer.

C’en était trop pour Cœur de Glace. Alors que Nora adressait un clin d’œil à Calrissian, elle profita de cet infirme moment d’inattention pour se jeter sur elle, expulsant le blaster d’un coup de pied porté à sa main…

Lando courut se saisir d’une arme… Konga allait ouvrir le feu lorsque Reeze l’arrêta d’un geste de la main.

- Ce sera donc entre nous, sourit cruellement Isard en faisant face au major.
- Au fond, je crois que j’attendais ça depuis longtemps, reconnut Nora.

Elles se mirent toutes les deux en position de combat, jambes écartées, bras formant une complexe combinaison d’attaque-défense, regards tueurs.

- Eh, trop cool ! se félicita Konga. J’avais toujours rêvé d’assister à un combat de meufes…

Lando tenta de s’interposer. Il ne pouvait pas laisser faire cette saloperie…

- Reste en dehors de cette histoire, lui intima Nora sans quitter Isard des yeux. Je te dois bien ça, non ?

Je te dois bien ça, non ? Les mots résonnèrent dans le cerveau de Calrissian. Nora l’avait utilisé, et à présent, elle le libérait… C’était aussi simple que ça. Il n’y avait pas à se poser de questions. Il ne voulait pas se poser de question.

Isard fut la première à attaquer, plongeant sur elle à la manière d’un fauve ayant minutieusement préparé son coup. Son poing droit percuta à une vitesse folle le menton de Nora… laquelle recula de quelques pas pour récupérer… Isard riposta par un uppercut du gauche qui l’envoya au tapis… allait l’achever d’un coup de pied à la tête lorsque Nora roula vers la gauche, effectuant un balayage de la jambe qui déséquilibra Isard, avant de se relever et de faire face à une nouvelle attaque combinant pieds et poings…

Cette fois, Nora n’était pas prise par surprise, et sut adapter la rapidité de ses contres à celle des attaques portées par Cœur de Glace. Direct… parade… uppercut… esquive… coup de coude… contre… coup de genou… parade… crochet… parade… Nora agrippa les épaules d’Isard, lui refila un coup de boule… Isard tint le choc, s’empara de la tête de Nora, répliqua par un autre coup de boule, qui manqua d’assommer la Traqueuse…

Isard est beaucoup plus forte qu’elle… songea Lando avec inquiétude.

Nora échappa aux prises que tenta Cœur de Glace, s’éloigna d’elle pour se remettre en position de défense. Un mince filet de sang coulait de ses lèvres…

Isard, moue triomphalement ironique, arqua les jambes, élevant les bras de manière à former une espèce de swastika…

- Tu n’as pas la moindre chance, Nora ! sourit-elle. Oublierais-tu que c’est moi qui t’ai tout appris ?
- Niveau sexe, je pense que je me débrouille mieux, répliqua-t-elle en lui rendant son sourire.

Isard repartit à l’attaque en poussant un hurlement sauvage. Ses coups plurent sur Nora à la manière d’une rafale de blaster. Nora s’efforçait de contrer tous les assauts, n’y arriva pas, effectua une roulette pour échapper à Cœur de Glace, se retrouva vite dos au mur.

… trop tard, Major Reeze…

Isard avait déjà foncé sur elle, prête à lui exploser la tête d’un coup de karaté. Nora stoppa son poing, effectua une clé de bras, matraqua le menton de son adversaire par un coup de coude. Isard ne gémit pas. Isard ne recula pas. Isard foudroya Nora du regard. Son genou s’éleva brusquement, choquant le ventre de la Traqueuse. Nora sembla perdre son souffle…

Isard lui attrapa la gorge de la main gauche, tout sourire. De cette seule main, elle souleva Nora jusqu’à ce que ses pieds ne touchent plus le sol… Le visage de Nora, pratiquement étranglée, rougit, se tendit sous l’effort effroyable que nécessitait la survie. Cœur de Glace éleva lentement la main droite, serra le poing, allait frapper…

… Lando activa son blaster, allait crier…

… Nora allait clamser…

… les bras de Nora s’élevèrent brusquement, à leur tour… s’abattirent sur le bras gauche d’Isard… Sous le choc, celle-ci dut lâcher Nora, qui s’esquiva furtivement, tout en reprenant son souffle… un balayage du pied fit chuter Cœur de Glace contre le mur…

… mais cette dernière s’en remit dès la seconde suivante… se retourna…

… pile pour se prendre un coup de pied circulaire sauté dans la face…

Cette fois, ce fut au tour d’Isard de s’écrouler au sol…

Nora passa le dos de sa main sur ses lèvres légèrement tâchées de sang… Isard se releva – œil torve.

- Je parie dix crédits sur la Traqueuse, dit Konga.
- Trente sur Isard, opina Nesta.
- Cinquante sur le Directeur, proposa un des Soldats de Choc, maintenu les mains en l’air.
- De toutes façons, c’est moi qui partirai avec la caisse, révéla Boba Fett, qui ne perdait pas une miette du spectacle.

Les deux adversaires s’observaient, se jaugeaient, évaluaient les points faibles, les points forts, tournant lentement face à face, chacun de son côté… Lando pouvait s’apercevoir sans peine que Nora était déjà bien plus mal en point qu’Isard… Son visage était en sueur, ses épaules se soulevaient par intermittences, signe d’une respiration saccadée… Isard, elle, en dépit d’un filet de sang qui lui maculait les lèvres, avait l’air aussi en forme qu’au début de l’affrontement…

- Les traîtres, en principe, connaissent la mort devant le peloton d’exécution, lui dit Isard, comme en aparté. Je vais cependant me faire un plaisir d’exécuter moi-même la sentence.
- Ne te vante pas trop, Ysanne… lui rétorqua Nora en souriant.

Isard détala la première, façon panthère. Une avalanche de coups déferla sur Nora… Choc, esquive, parade, coup, esquive, contre, choc, esquive, choc, choc, parade, esquive, choc… Le poing d’Isard percuta l’épaule de Nora… Le genou de Nora cogna celui de Cœur de Glace…

… distanciation…

Les deux ennemies effectuèrent une nouvelle fois une ronde macabre… Isard avait perdu quelque contenance… Son visage un peu… euh, endommagé laissait échapper quelques gouttes de sueur… Mais Nora, haletante, paraissait encore plus vidée que précédemment…

- Tu ne tiens plus debout, Nora, énonça Isard, hautaine. Voilà ce qu’il en coûte de me défier !
- Ton père en sait quelque chose… répondit Nora.
- Tiens donc, mais voilà que le remords t’étreint le cœur ? sourit Cœur de Glace, narquoise. Tu m’as pourtant aidée à démasquer ce traître, crois-je me souvenir…
- Ce n’était pas un traître, répliqua Nora. Un salopard, oui, mais pas un traître. C’est toi qui a monté contre lui une cabale destinée à camoufler tes propres bourdes.
- Et ta collaboration m’a été précieuse, ajouta malicieusement le Directeur de l’Ubiqtorate.
- Je ne pensais pas que la fille se montrerait encore plus basse et incompétente que le père, dit Nora en esquissant un imperceptible sourire.

L’expression du visage d’Isard passa de la surprise à l’incrédulité, puis de l’incrédulité à la rage pure. Une fois de plus, Cœur de Glace bondit sur sa proie… abattit ses deux poings sur le visage de Nora…

… mais…

… les poings rencontrèrent la paume des deux mains de son adversaire… lesquelles se refermèrent sur celles de Cœur de Glace… La combattante brune grimaça de douleur… La poigne du Major Reeze était tout à coup devenue extrêmement forte… insupportable… Comme si… Comme si elle n’avait pas perdu une goutte d’énergie depuis le commencement…

Le regard de Nora fixa intensément celui d’Isard. Les yeux sombres envoyèrent un message privé aux yeux clair et rouge de Cœur de Glace. Et ce message disait…

… les jeux sont faits…

Nora attira à elle son adversaire, et sans desserrer la pression sur ses poings, lui ravagea le visage de trois coups de boule bien placés, avant de passer à un coup de genou qui lui dévasta les entrailles…

Nora lâcha immédiatement Isard, passa à un enchaînement de coups de poing, mitraillant littéralement l’uniforme rouge qui l’avait précédemment tabassée… Isard se laissait complètement faire, totalement dépassée par cette rapidité soudaine… Abdomen, poitrine, épaules, menton, mâchoire, tout y passait… Le corps de Cœur de Glace heurta violemment le mur, à l’endroit même où elle était prête d’achever Nora une minute plus tôt…

Isard tenta de se figer en position de défense – faiblement, maladroitement… Trop tard. Nora s’approcha d’elle, lentement. Son regard croisa une dernière fois celui de Cœur de Glace. Et un coup de pied direct explosa le menton de cette dernière, qui s’écrasa lourdement sur le sol, visage en sang…

- Occupez-vous d’elle, ordonna le Major Reeze à Nesta. On l’embarque avec nous, comme bouclier.
- Aucun problème, se réjouit l’ex-Grand Moff, qui courut vers le corps inanimé de son ex-Némésis pour lui passer les menottes magnétiques derrière le dos.

Lando, lui, se foutait éperdument d’Isard. Il rejoignit Nora, lui balança le traditionnel « Ca va ? » sur un ton des plus inquiets, limite prévenant. Elle l’accueillit dans ses bras – ce qui arracha une larme à Konga.

- Ne t’en fais pas, Lando, lui sourit-elle. J’ai connu pire en ta compagnie.

Il aurait pu rester des heures ainsi, avec elle – ailleurs. Elle aussi, il le savait.

- Mais pourquoi as-tu fini par nous venir en aide ? lui demanda Lando, à voix basse.

Yeux sombres contre yeux sombres.

- Ô Lando, Lando… répondit-elle, lueur ironique dans le regard. Pourquoi es-tu Lando ?
- Tu n’as pas répondu…

Les lèvres de Nora esquissèrent un son… Mais elles s’arrêtèrent en plein élan. Car elle ne répondit pas. Elle ne répondrait jamais. Brutalement, les yeux sombres de Nora avaient flambé d’une autre lueur…

… une lueur d’épouvante…





Wetzel ne savait trop qui remercier. Le destin, le hasard, un Dieu quelconque… Un Être supérieur qui lui avait accordé une chance d’exaucer son dernier souhait en cet univers… Ouais, ça devait être ça : le bougre de salopard qui avait formaté sa destinée lui avait filé un ultime coup de pouce pour passer à l’acte.

Car depuis peu, il était libre – enfin presque. Et surtout, il possédait une arme. Un blaster. Dont il savait se servir.

Il avait vu Nora affronter Isard. Même s’il ne voulait pas se l’avouer, même s’il refusait de l’admettre, il avait tremblé pour elle, il aurait voulu mettre fin à ce supplice. Oui, moi, dois-je la sauver, lui venir en aide ? Alors parmi les cris, la sueur, le canon, il entendit la voix qui lui répondait : non !

Nora avait finalement vaincu, ce qui, paradoxalement, avait décuplé la haine qu’il lui portait. Et maintenant, la voilà qui se réfugiait dans les bras de cette ordure de contrebandier, de ce… salopard de Rebelle…

Son esprit, encore tourmenté par son récent séjour dans les geôles du Lusankya, les imagina en train de s’embrasser, de se caresser, de se livrer à ces témoignages d’amour odieusement dépourvus d’originalité, il les imagina… ensemble…

Ensemble !

C’était encore pire que ce qu’il croyait. Nora s’était non seulement servie de lui, mais elle s’était en plus entichée de ce médiocre, de ce bellâtre qui se complaisait dans la fange…

Et puis, toute colère disparut. Il se sentit soudainement soulagé, soulagé d’un terrible fardeau. Il savait ce qu’il allait faire. Il n’avait jamais été aussi sûr de lui qu’à cette seconde présente où son blaster s’éleva vers cette salope et ce minable qui s’étreignaient façon boy-scout.

Il avait décidé de causer à cette… salope… pute… le plus de douleur possible… A ses côtés, Konga n’avait rien remarqué, pas plus que Boba Fett, occupé à ramasser la prime des paris perdus par les Soldats de Choc.

Parfait. A cette distance, il ne pourrait pas les rater…

Lequel des deux aurait l’honneur du premier tir ? Wetzel fit son choix et…

… pressa la détente…





Tout se passa très vite. Lando avait immédiatement compris au regard de Nora, mais cette dernière l’avait devancé et le poussa sur le côté, juste avant qu’une terrible déflagration n’anéantît l’univers.

Konga se tourna automatiquement vers Wetzel, ouvrit le feu, de même que Boba Fett. Un rayon traversa la gorge de l’ex-colonel, un autre le cœur… Wetzel… parut surpris par cette réaction rapide… Son visage afficha une expression de vide absolu… Il tituba quelques secondes, tel un pantin désarticulé… lâcha son blaster… puis perdit l’équilibre… s’écroula… mort avant d’avoir touché le sol.

Lando mata le cadavre de Wetzel. Les Stormtroopers n’avaient pas bougé. Nesta avait ranimé Isard.

- Il a son compte, dit Konga.
- Le salopard, maugréa Calrissian en jetant un coup d’œil au corps de son ennemi. Un peu plus et…

… et…

Lando blêmit. Se retourna vers…

… elle…

Nora se tenait debout, le visage souriant.

Mais ce sourire était… autre.

Ses deux mains se pressaient sur sa poitrine.

- C’était moins une, balbutia-t-elle.

Ce fut alors que Lando remarqua le liquide carmin qui perlait des mains de Nora… la tâche de même couleur qui s’agrandissait du côté droit de sa poitrine…

Elle n’eut pas le courage de regarder. Simplement de…

- Ce n’est qu’une égratignure, ajouta Nora dans un souffle. Rien qu’une…

Elle n’acheva pas sa phrase. Elle ne tenait plus debout, se laissa tomber par terre. Lando la rattrapa juste avant que sa tête ne heurtât le sol…

Un silence total s’était installé dans la grande salle où explosait la richesse artistique.

Lando, agenouillé, tenait Nora dans ses bras. Le corps de cette dernière tremblait – de plus en plus, de véritables spasmes. La tâche de sang s’élargissait, démesurément, un véritable lac de mort… La peau laiteuse de Nora pâlissait à vue d’œil. Lando eut l’idée désespérée de tenter un massage cardiaque, s’apprêtait à le faire lorsque la main de Nora se posa délicatement sur la sienne, alors qu’il la plongeait dans l’océan rouge.

- Ce n’est pas la peine, Lando, articula Nora, presque inaudible. Je… Non… Ce n’est pas la peine.

Cette phrase choqua Lando. La gorge nouée, il… refusa d’obéir.

- Non, lui dit-il, d’une voix déterminée, forte. Non, tu vas t’en sortir… Tu vas t’en sortir…

Lando parlait, mais les mots n’avaient pas de sens. Les lettres se formaient, s’assemblaient, mais ne signifiaient rien. A en juger par la profondeur de la plaie, elle n’en avait plus pour longtemps à vivre. Il se contenta de lui serrer la main, fort… très fort… Il se contenta de la regarder. De l’écouter. De rester auprès d’elle. De ne faire plus qu’un avec elle. Yeux sombres contre yeux sombres.

- Lando…

Nora l’appelait… Il se pencha… S’aperçut que des larmes couraient le long de ses joues… que son corps avait cessé de trembler…

- Je… regrette…

Lando ne lâchait pas sa main. Le dernier contact que Nora aurait avec quelqu’un avant de… Son dernier lien avec l’humanité. Avec la vie. Lando lui caressa le front, lui caressa les cheveux…

- Non, lui chuchota-t-il en lui faisant un clin d’œil. Tu m’as sauvé, Nora. Tu m’as sauvé.
- Non, fit-elle, la voix étrangement douce, ses yeux plongeant dans les siens. Non… c’est… toi… c’est toi qui m’as sauvée…

Il sentait que la vie s’échappait de Nora. Il sentait que la main de Nora ne réagissait plus. Que le corps de Nora ne bougeait plus. Que sa propre vie à lui ne valait plus rien… A jamais privée de sens.

Il n’avait jamais vraiment réfléchi sur la mort. Certes, ses activités de contrebandier l’avaient souvent amené à croiser la route de cette saloperie, sans jamais que cette dernière ne l’emportât. Certains de ses collègues, de ses amis même, étaient morts, ou avaient simplement « disparu ». Il avait également tué un sacré nombre de types que personne ne regretterait.

Bespin avait quelque peu changé son point de vue sur la mort. Lorsque Yan avait été plongé dans le réservoir de carbonite, il avait cru que jamais il ne le reverrait, et cette pensée lui avait été d’autant plus insupportable qu’il s’était senti profondément responsable du sort fait à son meilleur ami. Mais Yan avait survécu. Yan avait pu être sauvé.

Nora, elle, allait mourir. Il le savait. Elle le savait. L’avait toujours su. Ce n’était pas possible autrement.

Jusqu’à présent, Lando ne s’était battu que pour des illusions ou des abstractions. Une illusion de vie friquée : devenir homme d’affaires après avoir magouillé. Une abstraction politique : servir la Rébellion contre l’abominable Empire galactique. Mais, mis à part Bespin, il n’avait jamais véritablement apprécié la valeur d’une vie humaine, n’avait jamais vraiment assimilé la catastrophe que constituait la perte d’un être cher.

En fait, il n’avait jamais souffert autant qu’à cette heure présente – et probablement ne souffrirait-il jamais autant par la suite. Au fur et à mesure que la mort l’emportait sur Nora, une immense sensation de vide le saisissait, lentement, sûrement.

L’amour était un sentiment paradoxal. Non content de nous unir à quelqu’un, d’expulser notre égoïsme pour nous permettre de nous réaliser en l’autre, il nous amenait à réfléchir sur nous-même, à mêler l’épanouissement de l’autre au nôtre pour mieux nous faire apprécier ce miracle qu’était la vie. L’amour n’était qu’une réconciliation avec la vie, une barrière vers l’espérance.

Lando allait perdre bien plus que Nora. Une certaine part de lui-même était sur le point de mourir en même tant qu’elle. Et il le pressentait. Il se maudit cette espèce de caprice, cette peur, cette terreur qu’il ressentait à l’idée de se retrouver seul, à jamais brûlé par cette passion éphémère. Ce n’était pas digne d’elle, pas digne de lui. Peut-être ce qu’il redoutait le plus était-il précisément cette incertitude quant à ce qu’il deviendrait. Comment… ferait-il face à l’avenir…

Non… Ce n’était pas ça, qu’il redoutait le plus. Non, ce qui lui faisait horreur était bien plus basique. C’était la mort de Nora – et rien d’autre. La mort d’une jeune femme, qui avait encore tout à découvrir de la vie, fauchée en pleine jeunesse par une guerre qui avait déjà prélevé son lot de sacrifices inutiles. La mort d’une jeune femme qu’il aimait, comme il n’avait jamais aimé quelqu’un auparavant. La mort d’un être humain, tout simplement. La mort.

- Ca fait… cliché, n’est-ce pas ? murmura Nora, trouvant la force de lui sourire de nouveau malgré le blizzard qui l’enveloppait.

Lando répondit par un petit rire… Un rire qui s’étrangla dans… hoqueta… se mua en sanglot… La gorge de Nora articula un dernier son…

- … j’ai… froid…

Une succession de visions frappa l’esprit de Lando, défilant l’une après l’autre dans une anarchie kaléidoscopique. Leur première rencontre, à la Taverne de Mos’. Sa déclaration, en compagnie de cet abruti de Greedo. Les retrouvailles sur Nar Shaddaa. Leur fuite à travers Coruscant. Leur premier baiser. Leur première nuit ensemble… Ne tombe jamais amoureux de moi… Nora, ses cheveux blonds, sa silhouette gracieuse, ses yeux sombres. Nora, traqueuse, trahie, amoureuse… Il avait tout vécu. Elle avait tout vécu.

Le regard de Lando disait… je t’aime…

Le regard de Nora disait… je sais…

Les yeux de Lando ne supportèrent plus longtemps ce spectacle. Une lueur déchirante les aveugla, plus brillante que mille soleils…




Des siècles s’écoulaient, des empires s’effondraient, des millions de soldats s’affrontaient…

Freddon Nadd souriait.

Lando veillait sur Nora.

C’est toi qui m’as sauvée…

- Calrissian !

La main de Lando caressa une dernière fois le visage mort de Nora, refermant lentement ses paupières, pour l’éternité. Il se pencha sur elle. Lui déposa un bref baiser sur le front, ce front devenu glacial.

- Calrissian !

Ce cri…

- Calrissian !

Ce cri, c’était… le monde réel… Ce cri, c’était… Konga l’appelait.

- J’ai entendu, répondit Lando, froidement.

Il se leva, le regard vide flottant sur les autres individus présents dans la pièce. Nesta, qui maintenait fermement une Isard moribonde. Boba Fett, toujours aussi Boba Fett. Les Stormtroopers, immobiles. Konga, les gros yeux jaunes interrogateurs.

- On va trouver le moyen de s’enfuir d’ici, ajouta Lando sur le même ton. On embarque Isard avec nous. Ainsi que Nora…
- Calrissian, le coupa Fett. Je ne crois pas que ce soit possible… Son corps nous encombrera…

Les yeux de Lando flinguèrent à bout portant ceux du chasseur de primes.

- Répète un peu, espèce de…
- C’est vrai, Lando, renchérit Konga, attitude nettement plus conciliante. S’évader d’ici risque d’être extrêmement risqué. On aura déjà à transporter une otage (il désigna Isard). Et… je ne crois pas que le Major Reeze aurait voulu qu’on se fasse choper à cause d’elle.
- EH ! gueula Nesta. Je me suis branché sur la fréquence des unités de sentinelles ! Ils ont repéré notre grabuge et vont rappliquer… Il n’y a pas de temps à perdre !

Lando demeurait là, l’air absent. J’ai détruit l’Etoile Noire… et je n’ai pas pu la sauver…

C’est toi qui m’as sauvée…

- Je… amorça Calrissian.

Konga se traîna jusqu’à lui, ignoble boule de graisse baveuse et véreuse.

- Nous n’avons plus le choix ! lui rappela-t-il. Il faut que l’on se sorte de ce merdier ! Dans le cas contraire, son sacrifice aura été vain. C’est ce que tu veux ? Qu’elle soit morte pour rien ?

C’est toi qui m’as sauvée…

- Non, bredouilla Lando, le ton dépourvu d’émotion. Nous avons toujours le choix… par delà les… circonstances.

Les pattes de Konga se posèrent sur les épaules de Lando.

- Nora a fait un choix et l’a assumé jusqu’au bout, lui dit-il, voix forte. A toi d’assumer les tiens, à présent ! A toi d’agir enfin au nom de ce pourquoi elle a sacrifié sa vie !

Une espèce de déclic se déclencha dans l’esprit de Lando.

C’est toi qui m’as sauvée… Il avait enfin compris ce qu’elle avait voulu dire… Et maintenant…

Maintenant, JE SAIS.

- Calrissian ? s’inquiéta Konga.
- Lâche-moi, bon sang ! s’énerva Lando en virant les pattes du Hutt de ses épaules.

Il se pencha pour ramasser son blaster, puis revint à ses complices du moment :

- Nous allons tenter une opération plutôt périlleuse. Mais il n’y a pas d’autre solution pour se sortir de là. Vous êtes avec moi ?
- No problemo, répondit Fett.
- Astalavista, baby ! rigola Konga.
- Et comment, grommela Nesta.

Lando poussa un soupir. Ce serait la tentative de fuite la plus grotesque de toute sa carrière. Mais il devait le faire.

Et il le ferait.
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