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Chapitre 37. Exploits
 
Le visage de Tierce s’était creusé… Son moral était en chute libre… Cette ultime révélation était peut-être celle de trop…

- Alors, le maître d’œuvre de cette conspiration, c’est vous… dit-il d’une voix mélancolique. C’est vous, le traître…

Kutchann lui répondit par ce qui ressembla à un triste sourire.

- Oui, je suis un traître, dit-il d’un ton presque désabusé. Un traître à l’égard d’un dément.
- Un dément ? (un violent tic nerveux déforma les traits du Garde impérial) Un dément ? Vous l’avez servi depuis des dizaines d’années !
- Qui, de Palpatine ou de moi, était le maître ou l’esclave, c’est une question que je vous laisserai méditer. (se tournant vers Boba Fett) Allez me chercher l’autre cambrioleur… Sans doute ce Calrissian…

Le chasseur de primes s’exécuta avec plaisir – il avait des comptes à régler avec ledit Calrissian – tout en tenant Tierce en joue, et se dirigea vers l’endroit où Wetzel avait laissé Lando…

… et n’y trouva que des gravats…

- Je crois qu’il y a un problème… maugréa Fett en fouillant la zone du regard.
- Qu’y a-t-il, Monsieur Fett ? demanda Kutchann.
- Le type a disparu.

Tierce grinça des dents. Kutchann émit un vague gloussement. Wetzel gisait à terre.

- Il aura du profiter de votre match avec le colonel Wetzel pour s’enfuir, soupira le général avec un dépit amusé. Monsieur Fett, voyez-vous par où ce Rebelle a pu s’enfuir ?
- Il semble qu’il ait emprunté ce boyau, au-dessus de nous, répondit le chasseur de primes.
- Bien, fit Kutchann d’une voix douce. Alors qu’attendez-vous ?
- Bien sûr, répondit Boba Fett d’un ton acide.

La sphère de métal n’avait pas tout bousillé. La conduite d’aération suivie par Lando avait résisté au choc. Fett l’escalada, se retrouva à l’intérieur, partit à la recherche de cette… ordure…

- Comment allez-vous, cher ami ? demanda Kutchann à Wetzel, de loin.
- Aussi bien qu’on peut aller après un affrontement avec un membre de la Garde impériale, hoqueta le colonel en se relevant avec difficulté.
- Vous ne tenez plus sur vos jambes, observa le général. Vous êtes quitte pour la cuve de bacta. Voilà ce qu’il en coûte de vouloir prendre ses distances avec moi !
- Quelque chose m’échappe, fit remarquer Tierce. Wetzel travaille pour vous, ce chasseur de primes également… Pourtant, lorsque nous nous sommes rencontrés, il y a quelques heures, vous avez bien failli être tué par le second et selon toute vraisemblance sous les ordres du premier.

Kutchann adressa un regard mâtiné de regret à l’infortuné colonel, qui se rassit, dos au mur, haletant.

- Je dispose d’autres amis dans cette affaire, lesquels ont, visiblement, tenté de faire cavalier seul et ont influencé le jeune Yohanz… Les Rebelles ont essayé de récupérer le Document de Caamas et ce cher colonel n’a pas souhaité me tenir informé… Lui et ses amis espéraient garder tout le bénéfice de l’opération pour eux, ce qui me laisse indifférent, du moment que le résultat est là. Désolé de m’être un peu servi de vous, mais Wetzel avait bien besoin de se faire taper sur les doigts, dans l’hypothèse où vous auriez survécu à Monsieur Fett, bien entendu. Fort heureusement, j’ai pu reprendre certain contrôle sur ces fameux amis – et ce célèbre chasseur de primes…

… ce qui me laisse indifférent… le résultat…

- Quel résultat ? se surprit à demander Tierce.

Kutchann consulta son chrono.

- Maintenant, je puis vous en parler… Dans quelques heures, la flotte rebelle sera dans le ciel de Coruscant. La planète tombera entre les mains de l’Alliance car mes… amis auront réussi à prendre le contrôle des leviers de commande. Les boucliers planétaires seront désactivés et le reste tombera le plus facilement du monde… Vu ce qu’il reste d’une bonne partie de l’Invisec, il était peut-être temps que ça arrive, n’est-ce pas ?

Tierce en eut le souffle coupé, ampleur de la révélation ou détachement absolu de Kutchann, il ne savait.

Coruscant allait… tomber ?

- Ainsi, ce qui subsistait du Gouvernement impérial disparaîtra, acheva le général. A tout jamais.

Tierce n’y croyait pas. Refusait d’y croire… C’était… C’était fou… Oui, de la haute trahison, ou pire encore…

- Mais enfin, pourquoi ? s’écria le Garde impérial.
- L’Empire a vécu, se contenta de répondre Kutchann en éclatant de rire. Longue vie à l’Alliance rebelle !

Mais ce rire était tout sauf sincère.




Lando courait comme jamais, se félicitant encore pour la bonne chance qui lui était tombée dessus. Ces deux crétins s’étaient entretués sans même s’apercevoir qu’il avait repris connaissance, qu’il avait grimpé dans la conduite d’aération, et qu’il s’enfuyait… ses lunettes infra-rouge fonctionnaient encore, le pied…

- Calrissian, arrête-toi !

La voix venait de derrière lui…

Cette même voix métallisée, non… cette voix lui disait quelque chose… Non, ne te retourne pas…

Un bruit de réacteur bousilla le silence apparent du tunnel… Lando plia sous un violent choc dans la nuque, sentit une vague de chaleur le surmonter… L’individu qui le poursuivait atterrit quelques mètres devant lui…

Un énorme « Non ! » éclata le cerveau de Calrissian. Impossible… Il est mort au gouffre de Carkoon… avalé par le Sarlaac…

- Comme on se retrouve, Calrissian… lui lança Boba Fett. Tiens ? Est-ce mon viseur infra-rouge qui déconne, ou bien est-ce toi qui es devenu blanc ?

Le chasseur de primes sembla sourire derrière son heaume.

- C’est absurde, répliqua Lando, à bout de souffle. Je t’ai vu mourir !

Je l’ai vu mourir !

- Je croyais que tu avais retenu la leçon depuis que tu as trahi Solo dans L’Empire contre-attaque : ne jamais se fier aux apparences.

Cette allusion à son manque de parole passé eut le don de faire bouillir Lando.

- En tout cas, ta nouvelle couleur de peau te va à ravir, ricana sordidement le chasseur de primes. Tu n’as pas pensé te reconvertir dans le show-biz ?
- Vil macaque, tu t’es regardé ?
- Oh… oh… rit Boba Fett. C’est qu’il est susceptible, notre nouveau Blanc ! Cela dit, Calrissian, je suis partagé. Tu sais ce que les chanteurs noirs reconvertis blancs font aux gamins, et je ne déteste pas les gamins. D’un autre côté, j’ai bien envie de ressusciter ces bons vieux duels au blaster… Alors, tu as le choix : ou bien je t’abats comme un chien, ou bien je te laisse un faux espoir de t’en sortir.
- Merci pour le choix…
- Alors ? Tu sais que tu n’as pas droit à l’avis du public.
- Je vais prendre… mettons le cinquante-cinquante…
- Le duel, donc ?
- Oui.
- C’est ton dernier mot, Calrissian ?
- C’est mon dernier mot, Boba Fett.
- Très bien.

Soigneusement, Boba Fett rangea son blaster… Lando n’avait pas eu le temps de dégainer…

Le chasseur de primes sortit de sa combinaison une espèce de pendentif, modèle néolithique post-moderne. Il en ouvrit le petit couvercle. Une douce mélodie retentit aux oreilles de Lando… Une mélodie tranquille, toute gentille… A qui Boba Fett avait-il bien pu dérober cet objet ?

- Quand la musique s’arrêtera… l’avertit Boba Fett.

Formidable. Un duel au blaster dans le noir total, avec des viseurs infra-rouges… Décidément, Lando se plaisait à faire dans l’inédit…




- Vous avez arrangé la destruction de l’Etoile noire… reprit Tierce. Vous saviez que l’Empereur attendait une attaque de la Flotte rebelle…
- C’est exact, répondit Kutchann. Nous avions mis au point, avec l’Empereur, un plan soi-disant imparable. Je l’ai d’abord convaincu de recruter ce jeune Jedi Luke Skywalker, en usant d’un procédé à succès des anciens Maîtres Sith, le Triangle de la Subversion… Non, laissez tomber, vous ne pourriez pas en comprendre la subtilité. Skywalker aurait affronté Vador tandis que les vaisseaux rebelles auraient été définitivement pulvérisés devant une Etoile noire protégée par ses boucliers.
- Je connais ce plan, répliqua Tierce. Faire croire aux Rebelles qu’ils pouvaient s’en prendre à l’Etoile noire en détruisant sur Endor le générateur de système déflecteur. Leur flotte n’avait plus qu’à intervenir, et c’en était fait de la Rébellion… Mais vous êtes allé plus loin.

Kutchann fit une espèce de moue qui révélait qu’il n’était pas tout à fait dénué de fierté quant à la tournure prise par les événements…

- L’Empereur a commis l’erreur de me laisser superviser l’opération, du moins dans ses premières phases, juste avant que je ne parte sur Magagran avec vous. D’une part, j’ai réduit la garnison de la forteresse d’Endor : l’Empereur croyait à tort que ses meilleures légions étaient sur place alors qu’il n’y avait que des troupes de seconde zone – si les soldats d’élite avaient été là, vous pensez bien que jamais les Ewoks n’auraient réussi leur exploit.
- Les fans des Ewoks vont hurler, répliqua Tierce.

Le regard de Kutchann brillait d’une lueur ironique. Il reprit :

- J’ai d’autre part débauché cinq Gardes impériaux…
- … en leur inoculant discrètement un virus… fit observer Grodin au passage.
- … oui, un produit purement naturel. J’ai donc envoyé cinq Gardes impériaux en mission secrète sur Endor, leur donnant l’ordre d’anéantir le générateur dès qu’ils entendraient parler d’une offensive rebelle. Vous connaissez la suite : les Ewoks se sont montrés plus efficaces que prévu, et les Rebelles ont pu détruire le générateur sans avoir besoin de l’aide de nos agents…
- Et ces Gardes vous ont obéi sans poser de questions ?

Sourire las de Kutchann.

- Pas la moindre… C’est un effet pervers de votre endoctrinement : vous ne disposez pas de la moindre particule d’esprit critique. Ces Gardes croyaient agir sur ordre de l’Empereur… Je leur ai… enfin, Wetzel leur a présenté un ordre signé Palpatine, et ils ont marché… Cela dit, la contrefaçon était particulièrement réussie…
- Pourtant, c’est Isard que l’un des Gardes m’a désigné comme étant le commanditaire, avant de mourir…
- Vous me connaissez, Garde impérial Tierce : je ne lance jamais une opération sans une demi-douzaine de plans de rechange… Je n’avais pas négligé l’hypothèse qu’un Garde laisse des aveux, d’une manière ou d’une autre… Aussi me suis-je arrangé pour leur faire tenir un briefing par « Ysanne Isard ». Laquelle n’était autre qu’un ancien droïd parfaitement humanoïde du prince Xizor nommé Guri… Nous avons effectué quelques corrections faciales du visage, en quelques heures, et tout était joué. J’ai par la suite rendu à Guri sa… « liberté », si tant est qu’elle existe pour les machines…
- Quelle générosité de votre part…





La douceur de l’air musical conférait à cette ambiance de meurtre une touche de lyrisme assez étrange… La mélodie traînait depuis déjà une cinquantaine de secondes…

… elle faiblissait…

… elle allait bientôt s’arrêter…

… Lando rapprocha sa main de l’étui à blaster…

… Boba Fett rapprocha sa main de l’étui à blaster…

… imperceptiblement…

… les yeux dans les yeux…

… dans le noir complet…

… la musique faiblissait…

… agonisait…

… mourut…

… Boba Fett fut le plus rapide… sa main saisit le blaster mais plusieurs créatures se jetèrent sur lui au même moment…

Les Chtons. Lando n’avait jamais été aussi heureux de les voir… Il sortit son blaster, tira à en vider les chargeurs, fonçant vers l’endroit d’où il était venu… Il bouscula des corps, il entendit des grognements, des cris… Abattit un Chton d’une décharge en pleine face…

- Calrissian… hurla quelqu’un… Tu me le paieras !!!

C’est ça, pauvre cave… Les Chtons avaient laissé tomber Calrissian et étaient tous en train de tabasser l’infortuné chasseur de primes. Il avait peut-être survécu à Carkoon, mais les Chtons, c’était une autre affaire… Bon appétit !

Lando se remit à courir. Il fallait faire vite. Plus que jamais.




- Vous aviez vraiment tout prévu, concéda Tierce. Si jamais quelqu’un dans mon genre parvenait à remonter la filière, il ne pourrait qu’accuser Isard… Je suppose que le baratin que vous m’avez tenu à son propos il y a quelques heures n’était précisément que… du baratin ?
- J’ai effectivement quelque peu brodé pour vous lancer sur une fausse piste, sourit Kutchann. Isard a vraiment échoué, contre son gré, dans l’opération de récupération des plans de la première Etoile noire. Elle n’a pas participé à la Conjuration de l’An XX, celle du Grand Moff Trachta. Elle a bien fait supprimer son père Armand, mais uniquement pour sauver sa peau suite à sa bévue sur Darkknell. Comme elle avait accordé quelques menus plaisirs à l’Empereur, elle a été nommée Directrice de l’Ubiqtorate alors que le poste me revenait de droit, mais cela n’a vraiment aucune importance.
- Une admirable suite de coïncidences, observa Tierce avec aigreur. Naturellement, la Conjuration de Trachta ne vous était pas totalement inconnue…

Kutchann devait triompher, songea le Garde. Mais il présentait toujours cette même apparence de lassitude.

- Je n’y ai pas participé non plus, expliqua le général. J’ai seulement averti l’Empereur qu’elle existait, car j’avais repéré les conspirateurs. L’Empereur a décidé de les laisser agir… Pour voir jusqu’où ces mécréants iraient… J’ai cependant contribué à organiser les fuites qui aboutiraient à ce que les Rebelles s’emparent des fameux plans de l’Etoile noire.
- Brillant, approuva Tierce à contre-cœur.
- Pas tout à fait : Vador a survécu au désastre de Yavin. Peu importe, néanmoins, puisque le Maître sith et son apprenti sont morts, à présent.

Tierce réfléchissait. Cette cascade de révélations était pire que tout ce qu’il avait pu imaginer… Surtout émanant de Kutchann…

- L’Empereur et Vador meurent à Endor, récapitula le Garde, l’Empire perd son arme absolue, les meilleurs éléments de sa Flotte… Et maintenant vous livrez la capitale galactique à l’Alliance… Mais que vient faire le Document de Caamas ? Pourquoi avoir fait supprimer tous les membres de l’opération Magagran ?

Le sourire de Kutchann passa du mode « tranquille » à « sardonique ».

- C’est là le coup de génie, déclara-t-il. L’élimination des témoins était prévue dès avant même la récupération du Document sur Magagran – votre sort, Grodin, a été scellé à la mort de l’Empereur… Officiellement, le Document n’avait jamais été « dérobé » par les Bothans, et par voie de conséquence, ne pouvait faire l’objet d’une mission de récupération… J’ai convaincu Isard, lorsqu’elle a eu vent de ces événements il y a peu, que dans le contexte actuel l’Ubiqtorate perdrait plus que la face si un tel scandale venait à éclater. Ysanne n’avait aucun intérêt à reconnaître la perte d’un document aussi précieux et impliquant tant de haut-responsables de l’Ordre Nouveau.
- De la sorte, vous vous assuriez la complicité involontaire de Cœur de Glace dans vos projets, suggéra Tierce.
- Et pas que la sienne, celle du Chancelier Pestage également, ajouta Kutchann. Surtout, il nous fallait à tout prix éviter qu’une faction rivale n’apprenne quelque chose touchant au Document. Si un membre du Conseil Impérial découvrait que cette pièce avait été volée par les Bothans, cela risquait d’attirer l’attention sur notre projet…
- D’où la suppression des témoins.
- Le Document n’a jamais été volé, l’opération Magagran n’a jamais eu lieu. Dès lors, qui songerait à enquêter plus avant ? Il s’agissait de couvrir nos arrières. Quant à Ysanne et Pestage, ils croient encore que j’enquête avec célérité pour retrouver ce dossier… Inouï la manière dont la confiance en autrui peut parasiter l’intelligence, vous ne trouvez pas ?
- C’est hyper-tordu… Vous croyez que le lecteur s’en remettra ?
- Le lecteur aura probablement laissé tomber avant la fin du premier tome, Garde impérial Tierce. De toutes façons, le Document de Caamas sera bientôt entre nos mains.
- Et à quoi vous sert-il ?
- Ce Document implique quelques Bothans dans la destruction de cette si merveilleuse planète, il y a deux décennies. Nous avons recontacté ces Bothans, lesquels n’avaient strictement aucun moyen de refuser notre marché – je n’aime guère user du terme « chantage »… Leur flotte attaquera donc Coruscant dans une douzaine d’heures… Il y a bien également, de ma part, un objectif à long terme concernant ce Document et Bothawui, mais je n’ai pas le temps de disserter là-dessus.

Tierce se gratta le menton. Bizarrement, eut l’envie de se raser…

- Quelque chose me laisse perplexe, général, ajouta-t-il. Vous avez monté un plan minutieux pour porter à l’Empire des coups dont il ne pourra guère se relever… Pourquoi ?

Kutchann demeurait immobile, ses yeux enfoncés dans ceux de Tierce.

- Wetzel était un Alderaanien, répondit-il. Je n’ai guère eu de difficulté à le convaincre… D’autant qu’il lui reste certain goût pour le pouvoir…
- Mais vous ? cria Tierce, comme exaspéré. Vous êtes l’un des plus anciens fidèles de Palpatine, vous avez contribué à édifier l’Ordre Nouveau… Vous avez fait montre, de tous temps, d’une loyauté sans faille à son égard… Vous avez participé à l’élimination de cette République moribonde, à l’extermination des Jedi, à la suppression des oppositions… Vous êtes de ceux qui ont fait l’Empire !
- En effet, sourit le général.

Un bruit… Wetzel s’était relevé, épuisé, grièvement blessé…




Lando se suspendait au filin, au-dessus de ce fleuve abreuvant les pires bouillons du coin… Allez, encore quelques mètres… Boba Fett ne le suivait pas… ne le suivait plus. C’était au moins ça de gagné.

Le fleuve dégageait une odeur pestilentielle.




- L’Empire a abattu la République… poursuivit Kutchann. Et maintenant, admirez le résultat. Cette galaxie a sombré dans une guerre civile encore plus abominable que les précédentes…

Tierce fronça les sourcils. Par delà sa colère, par delà sa haine, il cherchait à comprendre quelles avaient pu être les motivations de Kutchann. Et ce dernier se plaisait à le mener en bateau.

- C’est le problème d’un régime totalitaire, continua le général sur un ton empreint de certaine satisfaction. Supprimez le chef, portez un coup fatal à sa force militaire, et tout s’écroule comme un château de cartes…
- Je… je ne comprends pas, balbutia Tierce.
- Vous ne pourriez pas comprendre, répondit froidement Kutchann. Cela va bien plus loin que tout ce que vous pouvez imaginer. Il faudrait que je vous parle de « schisme religieux », de « croisades », de monothéisme et de polythéisme, car ce sont les mots qui pourraient se rapprocher le plus de la situation passée et présente.

Tierce sentit le sol se dérober sous ses pieds… Il avait totalement perdu contenance…

- A présent, sourit Kutchann, la galaxie est à feu et à sang, les centres décisionnels s’écroulent… Les Jedi ont disparu, sauf un qui devait mourir sur l’Etoile Noire mais qui ne tardera pas à les rejoindre. La chute de Coruscant, à cette heure présente, portera le coup final au reste de l’édifice. L’Empire et la Rébellion se noieront dans leur propre sang…

Des visions cauchemardesques assaillaient Tierce. Des flottes de vaisseaux s’anéantissant mutuellement, des batailles terrestres se transformant en charniers, des planètes réduites en cendres, des morts par millions, par milliards…

- Vous ne travaillez pas pour l’Alliance rebelle, dit le Garde dans un souffle, réalisant toute la portée des déclarations du général impérial. Vous voulez simplement…
- … détruire cette galaxie.

La simplicité de cette phrase laissa Tierce pantois. Stupéfait. Sur le 17.

Kutchann s’approcha de lui, lentement… Son visage inexpressif s’était transformé en masque de haine.

- Laissez-moi vous faire part de cette réflexion, énonça-t-il sur un ton laissant présager une explosion de violence. Je vous ai longtemps observés, vous autres. Humains, Rodiens, Bothans, Twi’lecks, Calamari, Quarren, Wookies, Trandoshans, Gungans… Et ce qui m’est apparu lorsque j’ai tenté de vous qualifier, c’est que vous n’étiez pas réellement des espèces intelligentes, civilisées…

Tierce ne bougeait pas. Kutchann, bizarrement, avait rangé son blaster. Ses yeux étincelaient de rage. Tierce ne l’avait jamais vu comme ça…

Pour la première fois de sa vie, le Garde impérial ressentit de la peur.

- Voyez-vous, poursuivit Kutchann sur le même ton de colère larvée, les espèces intelligentes ont toujours réussi à atteindre un stade de perfection par lequel elles entraient en équilibre parfait avec leur environnement. Elles ont toujours réussi à découvrir la véritable nature des choses, l’ultime vérité qui est à la base de l’Univers. Mais vous autres, vous qui peuplez cette galaxie, vous êtes différents… Vous ne croyez à rien d’autre que la technologie, les machines sont vos nouveaux dieux, vous leur vouez un culte digne des paganismes les plus obscènes. Vous devenez esclaves de vos propres jouets, mous, paresseux, dépendants, lâches, veules, égoïstes… Vous vivez sur vos acquis sans songer au progrès qu’ils peuvent vous apporter, vous ne faites qu’exploiter et piller pour mieux vous empiffrer…

La main de Kutchann se posa sur l’épaule de Tierce. Brutalement, elle l’enserra, fort, très fort. Douleur intolérable, qui obligea Tierce à s’agenouiller. La poigne du général était incroyablement puissante – il savait où appuyer pour exacerber les souffrances de sa victime. Kutchann se pencha sur lui… Sa bouche se rapprocha de l’oreille droite du Garde impérial…

- Vous gémissez, vous pleurnichez pour un rien, vous avez perdu votre endurance… Vous n’êtes que des larves qui se prétendent civilisations. Vous avez peur de la douleur alors qu’elle fait partie de votre être… Vous tous, Humains, Rodiens, Twi’lecks, Bothans, Calamari, Quarren, Wookies, Trandoshans, Gungans, n’êtes que des variétés différentes de la même peste… Une maladie contagieuse, le cancer de cette galaxie…

Kutchann s’approcha encore un peu plus… Il parlait presque à voix basse, articulant, soupesant chacun de ses mots…

- Je hais cette galaxie, ce zoo, cette prison, cette réalité, peu importe comment vous la nommez… Je la hais, je ne peux plus la supporter… Toutes ces années, ces décennies même, où il m’a fallu évoluer dans cette gigantesque tourbe… Je suis cerné, envahi par cette puanteur… Je sens d’ici votre pestilence… Et chaque minute, j’ai peur d’être infecté tant vous me répugnez…

Kutchann se releva, sans desserrer sa terrible étreinte…

- Mais bientôt, tout sera terminé… dit-il, l’air intensément soulagé. Je serai libre et purifié. Cette galaxie sera également purifiée… Car si vous êtes la peste de l’Univers, nous – nous – nous sommes l’antidote…

L’antidote ? Tierce gémit… Kutchann avait repris son calme…

- Je vous aimais bien, Garde impérial Tierce, avoua le général. Quel dommage que vous vous soyez mis en travers de ma route… Si cela peut vous rassurer, vous ferez un très beau s…
- HALTE !!!

Le cri avait été strident. Kutchann, pris par surprise pour la première fois de sa vie, se retourna instantanément, lâchant le Garde. Une forte escouade de Stormtroopers avait rappliqué, blasters aux poings, au pas de gymnastique.

- Rendez-vous, dit une voix que Tierce, Wetzel et Kutchann ne connaissaient que trop bien. C’est terminé.

Une voix féminine… Une voix sinistre…

Une jeune et belle femme aux cheveux noirs fendit la masse des Soldats de Choc. Malgré la luminosité réduite de l’éclairage, on pouvait sans peine reconnaître l’uniforme rouge et le visage, ces yeux clair et rouge qui rencontrèrent ceux de Kutchann.

Le futur ex-Directeur Adjoint de l’Ubiqtorate fut un moment sans voix. Puis il éclata de rire. Respect !

- Je dois vous présenter toutes mes félicitations, Ysanne, dit-il, sincèrement amusé et ébloui.
- Elles me vont droit au cœur, répondit Isard sans sourire, avant de se tourner vers les armures blanches : emmenez le général Kutchann et le colonel Wetzel au Lusankya, cellules pénitentiaires pour les invités de marque ! Pour haute trahison et vol doublé de recel de documentation confidentielle.

Les soldats entourèrent Kutchann et Wetzel, lequel ne tenait debout que par miracle…

- Attendez une minute… fit le général en s’adressant à Isard. Je voudrais savoir comment vous avez su…

Ce fut au tour d’Isard d’esquisser un sourire.

- C’est au Garde impérial Tierce qu’il faut le demander… répondit-elle.

Kutchann fronça les sourcils. Tierce ?

- J’ai éprouvé quelques doutes devant l’histoire que vous m’avez servie il y a quelques heures… expliqua le Garde en se relevant. Tout d’abord, un homme tel que vous n’aurait jamais conservé un Alderaanien à son poste, même en supprimant les archives, s’il n’était pas disposé à agir contre l’Empereur. Ensuite, jamais les Gardes impériaux envoyés sur Endor n’auraient obéi au Directeur Isard… Mais à vous seul… Vous avez tenté de mouiller Isard, mais il vous fallait intervenir vous-même pour les convaincre…
- Pures spéculations, dit Kutchann.
- En effet. J’ai couru le risque… Ce qui a achevé de me convaincre, c’est que jamais Isard n’aurait songé à un tel plan pour prendre le pouvoir… Pas assez intelligente pour.
- Merci, grimaça Isard, mécontente.
- Aussi suis-je allé la voir, de la même manière que je vous avais contacté…
- … et nous avons mis au point ce plan destiné à vous piéger, acheva Cœur de Glace.

Kutchann serra les dents, à la fois admiratif et ulcéré… Il s’était fait avoir de la manière la plus bête du monde… Le coup du méchant qui détaille son plan pour permettre au gentil de gagner du temps, oui, c’était digne d’un comics des Guerres Stellaires…

- Vous êtes fini, déclara Isard à Kutchann, encadré par une dizaine de Stormtroopers.
- Illusions de la jeunesse… répliqua gentiment le général.

Et il amorça la marche vers la sortie, entouré de ses geôliers. Isard se tourna vers Tierce.

- Vous avez tout enregistré ? demanda-t-elle.
- Tout, répondit le G arde non sans quelque fierté rétrospective. Et maintenant, qu’allez-vous faire ?

Isard passa une de ses mains dans ses si beaux cheveux noirs…

- J’ai mon plan…

Tierce fut incapable de décrypter le sourire qui se dessina sur le superbe visage de la jeune femme…




Lando sortit du tunnel énergétique une dizaine de secondes avant la remise en marche des générateurs. Il refit le même chemin qu’à l’aller, en sens inverse, tout en revêtant un nouvel uniforme qu’il avait embarqué dans son sac à dos multi-fonctions, puis quitta tranquillement l’usine, saluant le jeune cadre impérial du point d’entrée Trois-14, lequel avait les yeux embués de larmes devant le spectacle du Hidentanic en passe d’être définitivement détruit…Un air-speeder atterrit non loin au même moment. Lando le rejoignit. Au volant : le major Reeze, en robe de soirée. Sexy en diable…

- Alors ? demanda Nora, un zeste d’anxiété dans la voix.
- Je l’ai, sourit Lando en exhibant son sac à dos. « Il » est là-dedans.

Il s’assit dans la caisse, à côté de Nora, qui démarra à l’instant.

La nuit était tombée sur cette partie de Coruscant et l’on distinguait encore quelques immeubles en flammes. Lando se sentit soudain libéré d’un poids. Le Document de Caamas était dans son sac, Nora était à côté de lui, l’Empire mourait… La main de Nora se joignit à celle de Calrissian. Leurs doigts s’entremêlèrent, se joignirent, se soudèrent. Fort, très fort… Ensemble contre l’adversité…
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