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Chapitre 30. Retrouvailles
 
Cinq agents. Et l’un d’entre eux était un traître. Pas nécessairement un traître à l’Alliance, mais un traître à son égard, à lui, Acritt.

Les cinq agents de son équipe étaient chacun à leur poste dans une des salles de communications/briefing/cuisine du croiseur calamari. Ils le saluèrent lorsqu’il entra dans la pièce. Acritt leur répondit par son traditionnel sourire crevé et cynique avant de prendre place devant son moniteur. Il régnait toujours une perpétuelle odeur de flotte, ici…

Ses gars. Un Humain. Un Sullustéen. Un Caamasi. Un Neimoidien. Un Calamari. Pas de Bothan. Acritt n’aimait pas les Bothans et n’en voulait pas dans son équipe. C’était d’ailleurs pour cette raison que Mon Mothma lui avait confié l’opération Labyrinthe, l’envoi d’un « récupérateur », comme on disait, sur Coruschiant. Les Bothans n’avaient pas à être informés. Les Bothans ne devaient pas être informés. Les Bothans devaient tout ignorer.

Et malgré tout, des informations avaient filtré. Malgré le luxe de précautions, quelque chose avait foiré. Les Impériaux avaient été mis au courant. Son seul indice, à Acritt, c’était la tardiveté de la fuite. Les Imps n’avaient tenté de coffrer Lando qu’au troisième jour de son arrivée sur Corus’. Depuis des heures, Acritt fouillait minutieusement – et le plus discrètement possible – l’emploi du temps récent de ses cinq agents.

Eux seuls, si l’on faisait exception de Mon Mothma, étaient au courant. Et encore…Acritt avait tenu à disséminer les informations, de sorte qu’aucun de ses gars n’avait une connaissance totale du dossier. Un agent s’était occupé de l’envoi de Lando sur Wrag-Ne, un autre s’était occupé des faux papiers, un troisième du « maquillage », un quatrième des aspects financiers de la chose et le dernier était en contact avec les « associés » chargés de réceptionner Calrissian. Acritt supervisait le tout.

Trois d’entre eux savaient, pour les planques. Le type des faux papiers – l’humain. Le financier – le Neimoidien. Et le coordinateur – le Calamari. Ce qui réduisait considérablement la marge des suspects.

Acritt n’en dormait plus. Il ne pouvait pas dormir en pareil contexte. Il multipliait les nuits blanches. Sa tête était ravagée de migraines depuis quelques mois. Il n’en pouvait plus – mais il devait trouver l’enfoiré qui lui avait fait ce coup de pute.

L’engin spatial calamari, comme tout vaisseau rebelle et impérial, était doté d’un très efficace dispositif de surveillance. Chaque allée et venue était soigneusement enregistrée par l’ordinateur central, qui stockait l’information pendant quelques semaines avant de la virer pour cause de déficit mémoriel classique. Du coup, Acritt faisait appel à l’Ordinateur. Acritt s’éclatait avec son clavier. Acritt devait pourtant la jouer discret.

L’humain se leva le premier, lui amena une datacarte.

- Capitaine, rapport de l’unité 6-00-7, dit-il.

Acritt cligna des yeux. Sa mémoire infaillible ne lui fit pas faux bond.

- Secteur Fruja.

Sourire pervers de l’agent humain.

- Exact, mon capitaine. Besoin de café ?

Acritt se passa sa main sur son visage, à la manière de tous les vieux cadres dynamiques quadragénaires fatigués par une mauvaise nuit.

- Avec plaisir. Que dit le rapport ?
- Des cargos auraient disparu dans un secteur voisin de Fruja, nommé le Complexe de la Gueule.
- Quoi, c’est tout ? s’exclama le cap’taine, déçu.
- Ben oui, répondit l’humain avec embarras.
- Le Complexe de la Gueule ? s’énerva Acritt. C’est la main de Thrawn que je vais envoyer dans la gueule de l’auteur, ouais ! On a pas mieux, pour les trois prochaines minutes ?
- Pour le moment, non.
- Cherchez, putain… L’unité de transmission nous avait envoyé d’étranges informations relatives à la présence éventuelle de deux vaisseaux impériaux de fort tonnage dans le secteur de Fruja.
- Je suis en train d’analyser les données, mon capitaine, répondit le Calamari.
- Et ?
- Ca m’a l’air de ressembler à des modèles Executor…

Quoi ? Encore, des Executor ? Mais putain, y en avait combien ?

- Creusez ça. Je veux un mémo préliminaire dans une demi-heure, pour l’envoyer au Haut-Commandement.
- A vos ordres, chef…

Bon, fallait retourner à la recherche.

L’un d’entre eux a trahi. L’humain qui transmet des rapports foireux ? Le Calamari qui traque les Executor ?

Cette recherche ne donnait rien – rien de rien. Chacun de ses gars avait un emploi du temps normal – peut-être pas en béton, mais chacun avait besoin d’aller bouffer, de prendre un verre à l’une des cantines de bord, de rôder autour du personnel féminin… Ses gars bossaient en permanence, avaient très peu de loisirs et…

… rôder autour du personnel féminin…

Putain ! Le mot claqua comme un coup de fouet. Acritt fouilla plus avant. Demanda confirmation par attribution des images enregistrées…

… personnel féminin…

Il remarqua quelque chose de bizarre via l’une des fenêtres qui s’était ouverte sur son écran. Anodin de prime abord, mais à la réflexion… bizarre.

Ce n’était pas une preuve. C’était un début. Le regard d’Acritt dévisagea chacun de ses agents. S’arrêta une seconde supplémentaire sur celui qui était devenu son suspect préféré.

Je ne te louperai pas, mon gaillard.

Ce n’était pas une menace. C’était une promesse.






* * *






Une ruche bourdonnante.

Le siège de l’Ubiqtorate, inséré au Palais impérial, était à l’image de Coruscant : une ruche bourdonnante. Des milliers d’agents et de droïds à l’œuvre vingt-quatre heures sur vingt-quatre, enregistrant, triant, traduisant, re-triant, analysant, synthétisant les milliards d’informations reçues de la galaxie de toutes les sources possibles et imaginables. Des centaines de pièces différentes où se colportaient les derniers secrets codés de la galaxie. Les documents s’accumulaient, les rapports enflaient, les agents saturaient – il saturaient en permanence. Ils n’arrêtaient pas. Car le soleil ne se couchait jamais sur l’Empire galactique.

Ailleurs, dans d’autres recoins du Palais, des manipulations se tramaient, des conspirations se tissaient, des destins se scellaient. Les cerveaux les plus tordus, les plus cyniques, les plus dévoués à la cause impériale étaient à l’œuvre, et pas uniquement contre la Rébellion ou tout autre ennemi de l’Empire. Des alliances se faisaient, des alliances se défaisaient. Les ambitions personnelles n’avaient pas leur place, ici. Elle explosaient, pourtant.

L’Ubiqtorate était la plus grande centrale de Renseignements jamais créée dans l’Histoire de l’Univers. L’Ubiqtorate, administrativement parlant, n’était que le haut-commandement des Services de Renseignements Impériaux – les SRI, lesquels se composaient de nombreuses structures : l’OrgInt, ou Organisation Interne, qui veillait à la loyauté des membres des services de renseignements de l’Empire ; le Bureau des Analyses, chargé d’évaluer la situation des mondes sous domination impériale ; le Bureau des Opérations, chargé des actions dites de « troisième force », à savoir magouilles en tout genre, déstabilisations, infiltration et liquidation des insurrections et des mouvements révolutionnaires… Mais pour le commun des mortels, les SRI restaient l’Ubiqtorate. Le nom avait fini par s’imposer – preuve du « succès » de cette police secrète censée tout savoir sur tout le monde.

A la tête de ce titan bureaucratique, une femme : Ysanne Isard.

Et derrière elle : le général Kutchann.

Si Isard n’avait pas de poste de commandement favori – ce pouvait être une « salle de détente » ou carrément le Lusankya, un énorme vaisseau de type Executor enfoui sous la terre de Coruscant –, Kutchann, lui, possédait son propre bureau à l’intérieur du Palais impérial. Et il s’y trouvait lorsqu’il reçut les informations tant attendues sur les événements de Bakura, sous forme d’informations codées envoyées par le Moff Nereus, lequel les avait classées « prioritaires ». Le message était parti voici des jours et le Centre impérial venait tout juste de le recevoir. Il faudrait un jour résoudre le problème des distances…

Bakura était un monde situé aux frontières de la galaxie, dirigé par Nereus. Intérêt stratégique : réduit. Intérêt économique : passable. Intérêt du message : énorme.

La missive confirmait d’abord que les envahisseurs extragalactiques nourrissaient à l’encontre d’à peu près tout le monde des intentions globalement hostiles. Ces… Ssi-Ruuvi, comme ils s’appelaient, envisageaient de transformer les peuples de la galaxie en droïds de combat – projet horrible. D’après Nereus, ils en avaient les moyens. Mais ça, Kutchann le savait déjà : il avait personnellement négocié leur venue – au nom de l’Empereur…

La seconde partie du message confirmait évidemment le plantage d’Isard : ces envahisseurs – des reptiliens, soit dit en passant – avaient poussé les autorités de Bakura à négocier une trêve avec les Rebelles. Et surtout, parmi les Rebelles se trouvait rien moins que…

… Luke Skywalker.

Kutchann se rejeta en arrière, s’enfonçant plus profondément dans son confortable fauteuil à répulseurs. Le nom lui martelait l’esprit. Le nom revenait en leitmotiv. Skywalker. Luke Skywalker. Le fils de Vador était à Bakura.

Il y avait plus : les Ssi-Ruuvi eux-mêmes pouvaient compter sur un guerrier Jedi, un certain Dev Sibwarra. La mémoire phénoménale de Kutchann avait déjà retrouvé le nom… Sibwarra… La mère était une apprentie Jedi de Chandrila qui n’avait pas pu achever sa formation – mais c’était déjà suffisant, à l’époque, pour justifier l’envoi d’un groupe d’assassins. Les Jedi étaient bien trop dangereux pour être laissés en vie. Mais lesdits assassins ne trouvèrent pas trace de la mère Sibwarra, ni de son fils prodigue. Ils s’étaient probablement enfuis tous les deux – et n’avaient jamais été retrouvés. Sauf par les Ssi-Ruuvi, apparemment.

En attendant, Nereus avait été mis dans l’obligation de conclure un accord provisoire avec l’Alliance. Mais il se justifiait aussitôt en prétendant avoir tout organisé pour mettre hors d’état de nuire Skywalker. Il avait été en mesure d’injecter à ce Chevalier Jedi des embryons de Trichoïde olabrien, lesquels se développaient à l’intérieur des organes de la victime en vue de se transformer en larves dévorant le cœur et les poumons…

Le piège était ingénieux, reconnut Kutchann. Très ingénieux. D’une certaine manière, Nereus était allé au devant de ses désirs… Ce Moff, décidément, méritait d’être récompensé. Kutchann avait déjà en tête le cadeau qu’il comptait destiner à Nereus lorsqu’il réalisa qu’il était temps de se rendre à une énième conférence donnée par Isard à bord du Lusankya. Pourquoi Ysanne avait-elle eu l’idée tordue d’enterrer un Executor à portée de vue des monts Manaraï au lieu de le confier à la Flotte, qui avait bien besoin de vaisseaux à l’heure actuelle, il ne savait. Les grands leaders de cette galaxie étaient décidément bien mégalos.

En parlant de leader… Il n’avait aucune nouvelle de Pestage, ce depuis déjà plus de trois jours. Pestage avait certes voulu garder le secret, mais ses agissements confinaient cette fois à la paranoïa la plus aboutie. Kutchann finirait bien par être informé – et il serait parmi les premiers à en bénéficier. Pestage aurait besoin de techniciens pour manipuler les cylindres spaarti et d’un vaisseau plus conséquent qu’une navette pour embarquer son Jedi sombre à destination de Coruscant. Et alors… Et alors… L’Empire avait beau avoir connu la défaite à Endor, il n’en était pas pour autant anéanti… Loin de là. A cette pensée, un mince sourire se dessina sur le visage émacié du général impérial.

Kutchann classa les documents reçus et ceux qui traînaient, en jeta une poignée à l’incinérateur, se leva et se décida à gagner son parking personnel, quelques pièces plus loin. Son ordonnance – un trentenaire plein d’admiration pour lui – se raidit au garde-à-vous lorsqu’il sortit. Les officiers qui allaient et venaient dans le couloir firent de même – tous des fanatiques de Kutchann, qui mourraient pour lui. Flatteur, mais sans conséquence. Le général ne se préoccupait nullement de son ego : seule comptait l’efficacité produite.

Le général pénétra sur l’aire de décollage qui lui était spécialement réservée – son air-speeder personnel de marque Zundyel XI l’y attendait. Une bouffée d’air lui chatouilla les narines. Mais cet air, décidément, avait une drôle d’odeur… Pas de la pollution – non, plutôt… du sang… Des relents de… mort… Etait-il possible qu’il s’agît d’une conséquence imprévue de l’action spéciale menée au sein de la Zone de Protection Anti-Humains ?

La portière s’ouvrit automatiquement. Kutchann s’engagea dans le luxueux véhicule-limousine de couleur sombre. Donna un ordre au chauffeur. La Zundyel démarra.

Des années : cela faisait des années qu’il résidait ici, à Coruscant, le Centre impérial. Et il ne s’était toujours pas habitué à cette inflation mécanique, cette boulimie architecturale, ce chaos territorial. Par bonheur, il avait cessé de pleuvoir. Mais cette planète était toujours aussi… désordonnée que du temps de la République.

Cette République qu’il avait contribuée à détr…

- Mais où allez-vous ? dit-il au chauffeur en haussant légèrement le ton. Ce n’est pas la bonne direction !

La Zundyel ne dévia pas de sa trajectoire, descendant même un peu trop abruptement pour un véhicule officiel…

- Qu’est-ce que cela signifie ? grogna Kutchann.
- J’ai à vous parler, mon général, répondit le chauffeur. Personnellement.

Kutchann esquissa un sourire. Il avait immédiatement reconnu la voix.

Garde impérial Grodin Tierce.





* * *






Ca avait été un jeu d’enfant de rejoindre Coruscant. Tierce était un Garde impérial, non ? Il n’avait pas profité de cette faveur, mais avait tout de même tenu à revenir sans attirer l’attention. Il ne voulait surtout pas attirer l’attention.

Mais il lui fallait choper Kutchann.

- Et me voilà.

Kutchann applaudit avec lenteur, l’air narquois. Il avait écouté les aventures de Tierce – un énième épisode sans grande originalité de l’histoire passionnante de la Garde impériale – avec une attention toute religieuse.

Ils se trouvaient sur une plate-forme délabrée, pas loin du centre de la capitale. L’endroit n’était pas mal famé, mais les récentes manifestations populaires avaient laissé quelques traces. La Zundyel était garée à côté d’une tête géante de Palpatine sculptée dans un roc que l’on prétendait originaire d’un astéroïde d’Alderaan. La statue avait été minée et s’était étalée de tout son long sur la place qui l’entourait… Des gamins s’amusaient à escalader un orteil du grand homme. Des oiseaux chiaient sur sa main gauche. Triste sort pour Palpatine. Triste sort pour Alderaan.

- Je suis impressionné, Garde, commenta Kutchann avec une sincérité non feinte. Positivement impressionné.

Tierce promenait son regard un peu partout. Des immeubles, partout alentours. Des civils, sur la place. Des morceaux épars de l’Empereur. Une brise légère, agréable. Un bruit de fond : celui produit par des millions de speeders. Rien d’anormal, donc.

- Par contre, cette histoire d’unité spéciale de la Garde impériale envoyée sur Endor me laisse perplexe, ajouta le général.

Perplexe ? Quelqu’un avait sciemment organisé le sabotage du générateur de l’Etoile noire – n’ayant été que devancé par les Rebelles – et Kutchann n’était que… perplexe ?

- Wetzel ordonne à des Gardes impériaux de contribuer à l’assassinat programmé de l’Empereur, reprit Kutchann. Admettons. Dans le même temps, il les empoisonne, de façon à les faire disparaître de mort… « naturelle ». Il n’a pas agi seul. Quelqu’un devait le couvrir. Un supérieur.
- Vous, par exemple, dit Tierce, gravement.

Kutchann se gratta le menton, hochant la tête.

- Moi, en effet.

Tierce ne perdait pas le paysage des yeux. Il surveillait tout. Rien ne lui échappait.

- L’un de mes camarades, avant de mourir, m’a révélé le nom de la personne qui a commandité Wetzel.

Tierce revoyait les ultimes secondes de vie de Guzmann… Cette horreur…

Le corps de Guzmann avait cessé de lui appartenir. Ce n’était plus qu’une décharge électrique balayant un sac d’os et de chair. Il y eut des cris, des secousses, des vomissements, encore des cris…

- A qui obéissait Wetzel ?

Tierce s’était penché sur lui. Guzmann, le visage déchiré par mille souffrances, le corps implosé, proféra…

… un son…

… Un son…

… Un son qui pétrifia Tierce…

- A qui obéissait Wetzel ? demanda Kutchann, glacial.

Tierce prit une profonde inspiration. Grimaça.

… un son…

- A qui obéissait-il ? réitéra Kutchann.

La réponse tomba, brute de pomme :

- A Isard.

Et Tierce le répéta :

- Il obéissait à Isard.

Tierce vit Kutchann s’affaisser, comme pliant sous le poids d’un fardeau aussi lourd que soudain. Cela ne dura qu’une fraction de seconde. Kutchann récupéra la fraction suivante. Mais Tierce constata que la révélation avait fait son œuvre.

- Isard… répéta le général, comme dans un songe.

Isard… Ysanne Isard, fille d’Armand Isard, fille du Directeur de l’Ubiqtorate, successeur de son père…

… son père à qui elle avait succédé après l’avoir fait supprimer, à croire les pires rumeurs qui couraient sur son compte…

… et à l’heure actuelle, impératrice potentielle…

Ysanne Isard avait envoyé Wetzel détourner cinq Gardes impériaux. Isard avait ordonné à ces Gardes impériaux de détruire le générateur de bouclier de l’Etoile noire sur Endor au moment où les Rebelles donneraient l’assaut. Isard s’était arrangée pour que les Gardes impériaux décèdent avant de parler. Isard avait conspiré contre l’Empereur. Isard avait fait assassiner l’Empereur – enfin presque, puisque les Rebelles avaient été plus rapides, plus habiles que prévu…

- C’est aberrant, objecta Kutchann (il cherchait des arguments) Wetzel ne peut la supporter.
- Ils auraient pu trouver un intérêt commun, dit Wetzel. L’Empereur détestait les non-humains : voyez à quoi nous servent les Noghris. Mais ce qui m’échappe, c’est le mobile. Il n’y a pas l’ombre d’un mobile. La mort de l’Empereur a suscité des troubles à n’en plus finir et la sécession se répand comme la peste. L’Empire est considérablement affaibli. Tel que je vois les choses, Isard dirigera un amas de ruines avant quelques mois…
- Pas nécessairement.

Le général lui révéla les projets du Haut-Commandement concernant Naboo. Emit quelques vagues hypothèses – qui n’avaient pas l’air de vagues hypothèses dans sa bouche, mais Tierce ne souhaita pas creuser – sur la présence d’armes secrètes dans des complexes camouflés un peu partout dans cette galaxie de merde : le Complexe de la Gueule, le « Broyeur de Soleils », l’ « Œil de Palpatine », l’ « Orteil de Tarkin »… Le Garde en déduisit que la situation de la Rébellion n’était pas aussi facile que les apparences voulaient bien l’indiquer. L’Empire, en réalité, avait encore les moyens de gagner la guerre. Et dans ce cas là, Endor ne serait, tout au plus, qu’un accident de l’Histoire. La destruction de la première Etoile noire avait précédé l’invasion de Yavin et la victoire de Hoth. Et si Endor n’avait fait que précéder l’anéantissement des derniers Rebelles à Naboo ?

En cette hypothèse, Isard était en excellente position pour s’emparer du pouvoir…

- L’Etoile noire n’a jamais été particulièrement populaire parmi les militaires, poursuivit Kutchann. Je l’avais dit à l’Empereur. Et c’est précisément pour cette raison qu’il a persisté dans l’accomplissement de ce projet. Rendez-vous compte : il pouvait détruire n’importe quoi, avec un tel engin. Y compris Coruscant.

Tierce n’ignorait rien du mécontentement du Haut-Commandement et des Cercles du Pouvoir. Il avait même contribué à exécuter quelques uns de ces officiers récalcitrants, quelques années plus tôt, peu avant les événements de Yavin – la fameuse Conjuration Trachta, aussi nommée Conjuration de l’An XX. Lesdits officiers avaient tenté de supprimer l’Empereur et avaient lamentablement échoué – grâce à la riposte magnifique des Gardes impériaux. Un contingent de Soldats de Choc s’était même rendu dans les appartements privés de Palpatine : les Gardes, Tierce inclus, les avaient découpés en morceaux à joyeux coups de vibrolames…

Or, par une curieuse coïncidence, Armand Isard, ancien chef de l’Ubiqtorate, était tombé presque au même moment, victime de ce que d’aucuns appelaient un coup monté par sa propre fille, Ysanne. Autre coïncidence : les Rebelles venaient de s’emparer des plans de l’Etoile noire, on ne savait trop comment – les rumeurs oscillaient entre l’intervention d’un Chevalier Jedi disparu et celle d’une contrebandière.

Cette… coïncidence avait généré un désastre : la destruction de cette station spatiale, la mort de l’un des plus fidèles – et dangereux – conseiller de l’Empereur, le Grand Moff Tarkin. Dark Vador lui-même n’avait dû sa survie que par miracle.

- Ysanne avait été chargée par son père de retrouver les plans volés de la première Etoile noire, sur Darkknell, précisa lugubrement Kutchann. Elle a « échoué »… et fait supprimer ce cher Armand.

C’était lumineux, en réalité. Mettre bout à bout quelques événements qui, en soi, n’avaient rien à voir entre eux pouvait vraiment s’avérer stimulant. L’Etoile noire, détruite suite à un échec de Cœur de Glace, laquelle l’avait attribué à son père pour prendre le pouvoir. Palpatine et Vador avaient failli mourir, mais une arme absolue avait été perdue – avec le Grand Moff Tarkin. Et l’Empereur et Vador venaient de clamser à leur tour…

- Cette ordure a bien joué, persifla Grodin Tierce.
- Vous dites que vous avez été attaqué par des chasseurs rebelles dès que vous avez surgi dans l’espace d’Endor ? reprit Kutchann tout à coup.
- Oui. Ils étaient trop nombreux.
- Je suis prêt à parier qu’ils vous attendaient.

Comment ? Tierce se récria. Impossible. Quoique…

… en y réfléchissant…

… les Rebelles les avaient cueillis dès leur arrivée…

- L’objet de votre mission sur Magagran a disparu de la surface de Coruscant, dit Kutchann en le regardant droit dans les yeux. Vous voyez bien sûr de quoi je veux parler. Ce n’est pas là le seul point.

Kutchann s’éclaircit la voix. Tierce était suspendu à ses lèvres.

- Tout ce qui avait trait à cette mission a également disparu. Les rares archives relatives à Magagran ont cessé d’exister. Votre unité de combat a été anéantie ici, sur cette planète, officiellement à titre de mutinerie. Le Cunaxa a également été détruit, par les Rebelles, au cours d’une évacuation d’un système planétaire sans importance.

Tierce sentit ses poumons se contracter, se solidifier comme du ferrobéton.

- Un joli petit délire statistique, n’est-ce pas ? sourit Kutchann, non sans certaine amertume.

Tu m’étonnes… Les amateurs de coïncidences auraient adoré.

- Vous auriez dû mourir à Endor, renchérit Kutchann. Or, vous êtes là. Le dernier témoin vivant de l’opération Magagran.
- Pas le dernier, dit Tierce, le regard perdu dans le lointain. Il y a Wetzel…

Il dégaina son blaster…

- Et vous.

… et se jeta sur Kutchann juste avant que les laser ne les atteignent.
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